Si vous vous êtes déjà retrouvé devant YouTube ou Netflix... alors sans le savoir, votre prise de décision a été influencée par le paradoxe du choix.
Pensez-y:
Peut-être que face à la surabondance de séries et films disponibles... vous avez commencé par chercher de l'information en regardant les bandes-annonces... puis les avis des internautes...
Après 40 minutes de recherche, vous n'arrivez pas à vous décider.Vous êtes comme paralysé face à votre écran.
Et le temps continue de passer jusqu'au moment où vous vous jetez sur le premier film qui se trouve à portée de clic.
Clic.
Le film démarre et celui-ci est bien... mais sans plus.
Il n'est pas satisfaisant...Vous vous mettez à douter de votre décision voire même de regretter celle-ci.
Est-ce qu'il n'y aurait pas mieux?
Prendre une décision dans un monde aux choix infinis
C'est assez étrange ça...
Dans une société qui met en avant la liberté et l'autonomie, avoir plus de choix devrait nous apporter plus de satisfaction.
Non?
Mais, cela semble être l'inverse... car même si avoir plus de choix mène objectivement à de meilleurs résultats... notre niveau de satisfaction subjectif ne reflète pas la même tendance.
Ce qui a été prouvé:
Plus les Américains ont le choix, moins ceux-ci sont heureux. Il y a 5% d'Américains heureux en moins entre les années 70 et les années 2000. Cela ne semble pas beaucoup, mais cela fait 14 millions de personnes qui ne se disent pas heureuses.
Et ce qui est vrai et anecdotique... (voire amusant) pour Netflix, l'est peut-être moins pour les choix aux conséquences importantes:
- Quelle assurance maladie sélectionner?
- Comment investir mon argent?
- Où habiter?
- Quel métier faire?
- Quel plan d'action choisir?
- Quelle stratégie de business utiliser?
- Quel partenaire choisir?
Malheureusement, le paradoxe du choix est un phénomène qui ne concerne pas uniquement les choix anodins, mais surtout les choix importants.
Barry Schwartz en parle dans son excellent livre (The paradoxe of choice) sur lequel se base le guide que vous êtes en train de lire.
Barry dit que plus les enjeux d'une décision sont importants, plus les compromis à faire sont grands... et plus nous sommes négativement touchés par le processus décisionnel.
Et plus nous sommes touchés négativement par le processus décisionnel, moins nous avons les idées claires pour prendre des décisions.
Vous l'avez deviné......C'est le serpent qui se mange la queue.
La bonne nouvelle?
Dans le guide qui suit... je vous partage :
- ce qu'est le paradoxe du choix,
- pourquoi ceux qui veulent toujours le meilleur sont malheureux...
- comment prendre une décision lorsque nous avons trop de choix...
- et que faire pour être plus satisfait des décisions que vous prenez au quotidien...
Cela influencera évidemment votre manière de vous organiser. Installez-vous confortablement, ouvrez votre logiciel de prise de notes... et c'est parti.
Le paradoxe du choix et l'insatisfaction
Un supermarché typique contient plus de 30'000 produits. Et chaque année des milliers, de nouveaux produits sont créés.
Dans une étude¹ deux stands de vente de confitures ont été montés.
Un stand propose 6 types de confiture, l'autre stand, 24 types de confiture.
Le stand aux 24 types de confiture attire plus de monde que le stand a 6 types de confiture. Mais qu'en est-il des achats? 3% des visiteurs du stand "24" ont acheté de la confiture contre 33% sur le stand "6".
Pourquoi ne pourraient-ils pas ignorer certaines options et se concentrer sur d'autres?
- Premièrement, une armée de marketeurs rend les produits impossibles à ignorer.
- Deuxièmement la tyrannie des petites décisions nous fait oublier qu'au final, il s'agit de beaucoup de ressources dilapidées dans l'action de choisir.
Le plus important: les gens ne vont pas ignorer les alternatives si ceux-ci ne comprennent pas que "trop d'alternatives" c'est justement le problème (comme j'en parle plus loin).
Ainsi ce n'est pas tant les choix nombreux et pour la plupart automatique qui posent problème. C'est l'effet cumulatif de tous ces choix. C'est la tyrannie des petites décisions.
Pour gérer cette multitude de décisions, nous pensons qu'il faut faire plus rapidement ce que nous avons fait jusqu'ici. Par exemple, avant de prendre une décision, nous récoltons de l'information. Donc... nous récoltons plus rapidement plus d'informations:
- Nous parlons à nos amis.
- Nous demandons l'avis d'expert.
- Nous lisons des témoignages.
- Et nous regardons des pubs.
Mais récolter de l'information pertinente n'est pas forcément utile... et encore moins évident, car nos biais cognitifs et certains phénomènes nous rendent la tâche complexe.
Passons en revue les "pièges" les plus importants.
Le biais de disponibilité (en action)
Le biais de disponibilité (ou biais d'accessibilité) désigne un mode de raisonnement qui prend en considération uniquement les informations les plus récentes ou les plus facilement accessibles sans chercher à acquérir les informations fiables pour prendre la décision.
Charlie Munger le dit très bien: ce n'est pas parce qu'une information est facilement accessible qu'elle est pertinente.
Une question pour illustrer ce biais: est-ce qu'il y a plus de mots en français qui commence par la lettre T ou de mots en français avec T comme troisième lettre?
Cliquez ici pour voir la réponse
Mots avec T comme 1er lettre: 19665
Mots avec T comme 3e lettre: 28736
Si vous avez pensé qu'il y avait plus de mots français qui commencent par la lettre T, il se peut que le biais de disponibilité vous a influencé. Pourquoi?
Lister les mots qui commencent par la lettre T est une activité mentalement plus évidente que lister les mots qui ont comme troisième lettre un T.
Source: https://www.listesdemots.net/p/t/1/motspremierelettret.htm
Le problème du biais de disponibilité nous touche tous, même dans nos relations: nous avons plus de facilité à nous souvenir des bonnes actions que nous avons prises dans notre couple que celles de notre conjoint.
Pourquoi? Nos actions personnelles sont mentalement plus accessibles que celles des autres.
L'ancre
Dans un catalogue (ou un magasin) les premiers prix du type d'objet que vous convoitez font office d'ancre. Par exemple, si vous voyez des costumes à 2000 euros (en premier)... alors celui que le vendeur vous propose pour 500 euros vous semblera bien plus accessible que si le premier prix que vous aviez vu était 200 euros.
Imaginez maintenant deux moines fumeurs
Le premier moine demande à l'abbé s'il peut fumer en priant. Scandalisé, l'abbé répond "Non! C'est à la limite d'un sacrilège!"
Le deuxième moine demande à l'abbé s'il a le droit de prier en fumant. L'abbé répond "bien sûr. Dieu veut t'entendre à tout moment".
Cette histoire apocryphe mise en avant dans le livre Mindware mais bien en avant les enjeux de l'ordre (cadrage) dans nos prises de décision. Dans cette histoire, l'abbé est tombé dans le panneau.
Maintenant une théorie qui a changé ma manière de voir le monde:
La théorie de la perspective
Daniel Kahneman et Amos Tversky (deux psychologues très doués) se sont basés sur leurs recherches sur le cadrage pour élaborer une explication générale sur la manière d'évaluer nos options et prendre des décisions.
Ils appellent cela la Théorie de la perspective.
L'axe horizontal (l'axe objectif) représente la perte (le signe - à gauche) ou le gain (le signe + à droite) liée à la décision / options.
L'axe vertical (l'axe subjectif ou psychologique) représente l'état dans lequel se sentent les gens après une décision. En haut, le signe +, représente un état positif, en bas, le signe -, représente un état négatif.
Important: Une personne face à un choix se trouve au centre du graphe.
Si la réponse psychologique au changement était conforme à 100% on aurait une ligne droite entre le point en bas à gauche et le point en haut à droite.
Mais ce n'est pas le cas.
Pour comprendre ce graphe, commençons par observer la case supérieure droite: la courbe monte très rapidement puis s'aplatit. Ainsi, gagner 100 euros provoque un plaisir subjectif de 10 unités. Mais gagner 100 euros supplémentaires provoque peut-être un plaisir subjectif de 8 unités.
Plus les gains augmentent moins le plaisir ressenti est important. Les économistes appellent cela la loi d'utilité marginale décroissante.
Avec ce graphe en tête, il est plus facile de comprendre pourquoi les gens choisissent de gagner à tous les coups 100 euros que d'avoir 50% de chance de gagner 200€.
Quand il s'agit de gagner quelque chose, les gens évitent le risque (et préfère la certitude).
Maintenant, regardons le carré inférieur gauche:
Une perte fait mal au début... et ensuite on s'y habitue. Perdre 100 € va causer une douleur de 10 unités. Perdre 100€ additionnels provoque une douleur de 8 unités. Et ainsi de suite.
Objectivement, perdre 200€ est deux fois pire que perdre 100€, mais pas subjectivement.
Conclusion: quand il s'agit de perdre quelque chose, les gens préfèrent prendre des risques (en ayant une chance de ne rien perdre, quitte à tout perdre) que d'être certain de perdre quelque chose.
Relisez la phrase précédente plusieurs fois car elle a une influence dans notre manière d'évaluer nos options quand on fait face à plusieurs choix.
Un point important à relever est que la partie "perte" du graphe est bien plus raide et plus longue que la partie "gain".
Perdre 100€ produit une sensation négative subjective bien plus importante que gagner 100€. Certaines études estiment que perdre compte deux fois plus que gagner.
À présent, voici une théorie qui nous touche tous et qui nous empêche de renoncer à des décisions qui devraient être abandonnées...
La théorie de l'engagement
Imaginez avoir acheté un billet de concert à 50€. Le jour J, il vente et neige tout ce qu'il peut... allez-vous prendre votre voiture pour vous y rendre ou regarder le concert à la TV?
Objectivement, vous devriez rester à la maison (risque, pénibilité, etc.). Mais parce qu’une perte est subjectivement deux fois plus dure à encaisser, la plupart des gens vont braver la météo pour se rendre au concert (car le gain de rester chez toi n'est pas deux fois supérieure à la perte).
Pour éviter de tomber dans ce phénomène de l'engagement, pensez uniquement au présent et au futur lorsque vous prenez une décision et pas aux ressources investies jusqu'ici. Simple à dire, mais pas facile à mettre en pratique.
Toujours avec moi?
Parfait.
Maintenant la recherche d'information (et l'existence de biais cognitifs) n'est pas le seul aspect de la prise de décision qui pose problème.
Il y a également l'attitude que l'on a face au choix:
Prendre une décision: un vrai calvaire pour le maximisateur
Bien choisir commence par bien connaître ses objectifs. Et l'un des premiers choix à faire est de choisir entre le meilleur et le satisfaisant.
Un maximisateur pourra acheter le meilleur livre uniquement s’il a passé en revue tous les autres livres disponibles. Enfin, c'est ce qu'il croit. Car dans un monde connecté comme le nôtre, c'est utopique.
Tôt ou tard le maximisateur doit accepter (à contrecœur): il faut choisir et il existe peut-être un meilleur choix quelque part...
Cette idée même crée une expérience subjective négative et bien que son choix objectif puisse être meilleur objectivement qu'un satisfaisateur (satisficer en anglais, difficile à traduire ce terme), il expérimentera plus de regrets et d'insatisfaction.
Être un satisfaisateur revient à établir des standards et de trouver un choix satisfaisant sans se soucier des autres possibilités (car il y a un prix à payer à trouver le meilleur choix). Un satisfaisateur a des standards qui lui sont propres et une fois ces standards trouvés, il s'arrête de chercher.
Quand le prix Nobel de l'économie (et le psychologiste) Simon Herbet a introduit cette notion de satisfaisance, (1950) il suggéra qu'une fois tous les coûts pour trouver le meilleur choix étaient considérés, alors être un satisfaisateur être la stratégie optimale.
Le prix à payer de la maximisation
- Les maximisateurs sont plus déprimés que les satisfaisateurs. Mais attention... on peut être un maximisateur sans être déprimé et être heureux.
- Les maximisateurs sont plus enclins à regretter leur choix (plus connu sous le remords de l'acheteur). "Si seulement j'avais visité un autre magasin, si seulement j'avais vu plus de témoignages" (c'est ce que les maximisateurs se disent).
On pourrait se dire que les maximisateurs finissent avec une meilleure qualité de vie. Après tout, chercher le meilleur est un moyen intelligent pour trouver le meilleur.
C'est plus compliqué que cela: car il faut se souvenir qu'il y a la mesure objective d'un choix et la mesure subjective de celui-ci.
Beaucoup de maximisateurs prennent de bons choix d'un point de vue objectif, mais sur le plan subjectif, leur choix n'est jamais le bon. Car ils pensent qu'un meilleur choix se trouve ailleurs (et ils ont raison).
Choix, autonomie et bien-être
Passons à présent en revue des arguments en défaveur de la surabondance du choix... nous irons ensuite sur des techniques concrètes pour prendre de meilleures décisions dans un océan de choix.
La liberté et l'autonomie sont des valeurs importantes pour notre bien-être. Et choisir est une action critique pour la liberté et l'autonomie. Bien que les Américains semblent avoir plus de choix qu'à aucune autre époque... cela ne semble pas se refléter sur leur bien-être.
Judith Grisel en parle dans son (excellent) livre Never Enough:
Entre 1996 et 2013, les ordonnances pour les tranquillisants de type benzodiazépine ont augmenté de 67%...
Les gens semblent anxieux comme jamais. Est-ce dû à l'augmentation continue du choix? C'est une hypothèse (qui sera dur à valider).
Afin d'éviter le paradoxe du choix, nous devons apprendre à sélectivement exercer notre choix
Nous devons sélectionner les moments où choisir est vraiment important même si cela signifie pour les autres situations devoir manquer des opportunités.
Le choix de savoir quand choisir est probablement le choix le plus important que nous avons à faire. Il en va de notre bien-être.
Mais c'est quoi le bien-être?
Et est-ce vraiment important?
Darwin vous dirait que sur le plan de l'évolution, être heureux et se sentir bien n'est pas vraiment utile. C'est la souffrance qui nous fait agir. Comme l'ont bien compris les pratiquants de l'approche systémique.
Pour beaucoup, le bien-être est atteint quand on a suffisamment d'argent. Mais ce n'est pas tout à fait le cas. Une citation que j'aime bien est plus représentative: l'argent n'a pas d'odeur mais son absence pue la merde.
Passer un certain seuil, gagner plus n'améliore pas notre niveau de vie mais ne pas avoir d'argent, c'est douloureux.
Pour ceux qui ont de l'argent, ce qui semble être douloureux, c'est la surabondance de choix
Car avoir trop de choix revient à se sentir submergé par ces possibles et on perd cette sensation de liberté et d'autonomie. Sur un plan consumériste, avoir trop de choix équivaut à dépenser plus et à passer moins de temps avec les gens...
Et ce qui semble rendre heureux les gens, c'est d'être entouré d'autres personnes et d'avoir des relations saines et intimes.
Vous l'avez deviné: on peut se sentir seul en étant entouré.
La solitude disparaît avec la création de relations intimes.
Aujourd'hui être socialement connecté ne se fait plus automatiquement sur le lieu de travail ou avec ses voisins. Aujourd'hui être socialement connecté demande donc du temps... du temps de créer des relations proches... et cela demande du temps d'entretenir ces relations.
Quand les gens ont besoin de nous, nous devons les aider. Quand les conflits émergent, nous devons les résoudre. Et ce genre d'imprévus arrivent sans respecter nos plans. Qui a cette liberté de manoeuvre sans devoir payer un fort prix (sur le plan du stress et de la distraction)?
Ce qui est facile à comprendre: tout le temps passé à choisir (pour être satisfait) c'est du temps qui n'est pas passé à créer et développer nos relations.
Et c'est une autre raison de voir d'un oeil suspicieux la surabondance de choix.
Un autre phénomène exacerbé par la surabondance du choix? Les compromis.
L'humain et les compromis
L'existence de plusieurs alternatives nous fait croire qu'il existe des alternatives où les compromis n'existent pas. C'est un leurre.
Que font les gens qui font face à des options (donc des compromis)? Une pratique courante est de repousser la décision ou simplement éviter celle-ci.
Jetez un oeil à cette expérience
Est-ce que vous achetez ou vous continuez vos recherches?
Maintenant imaginer cette sono à 99€ et une autre sono haut de gamme à 169€ bien en dessous du prix également... est-ce que vous en achetez une ou est-ce que vous continuez votre recherche?
Quand les expérimentateurs ont demandé aux participants de choisir, ils ont découvert des résultats intéressants...
Dans le premier cas, 66% des gens ont acheté la sono à 99€ et 34% ont préféré continuer chercher...
Dans le deuxième cas, 27% ont dit vouloir acheter la sono à 99€, 27% la sono à 169€ et 46% ont préféré attendre.
Ce que cela signifie?
- Avec une seule option attrayante, 2 tiers des gens choisissent facilement.
- Mais avec deux options attrayantes, juste un peu plus de la moitié décide d'acheter. Dans ce cas, ajouter une option créer un conflit avec un compromis entre le prix et la qualité.
Et sans une raison forte d'acheter, les gens passent leur chemin.
Les gens veulent des raisons de choisir facilement.
Quand les comparaisons ne sont pas faciles, les gens repoussent ou évitent les décisions. Sans réaliser que repousser une décision est une décision en soi.
Maintenant les économistes disent que la qualité d'une option ne peut pas être évaluée sans considérer ses alternatives. Le coût d'une option implique manquer l'opportunité qui ne sera pas prise si une autre option est prise.
Il s'agit du coût de l'opportunité
Si j'investis 1000 euros dans une action Google, c'est 1000 euros que je ne peux pas investir ailleurs (ou utiliser pour me former et travailler mon employabilité).
Beaucoup d'études ont été menées sur les gens qui faisaient face à des compromis. Ce qui en ressort: quand les gens sont forcés à faire des compromis, cela rend les gens malheureux et indécis.
Les compromis semblent très troublants pour l'humain. Peut-être parce que durant des milliers d'années, les humains n'étaient pas exposés à des choix compliqués: ils devaient rester ou partir.
C'est cette raison précise qui fait qu'ajouter des options est une autre raison préjudiciable pour notre bien-être.
Le hack est de limiter les possibilités afin d'éviter que les coûts d'opportunités s'additionnent à l'infini. Vous découvrirez d'autres techniques concrètes pour maîtriser le paradoxe du choix un peu plus loin.
Les regrets dans un monde hypothétique
Un autre point en défaveur de la surabondance du choix?
Chaque fois que vous prenez une décision qui s'avère ne pas être la bonne... vous êtes un candidat pour le regret.
Il existe des regrets après décision (quand on réalise qu'on s'est fait arnaquer par exemple) et des regrets anticipés qui surgissent pendant que l'on est en train de choisir.
Ce qui rend les regrets si puissants, c'est qu'ils ne sont pas restreints par la réalité objective. La puissance de l'imagination humaine fait que l'on peut penser à des variantes imaginaires qui n'existent pas.
Penser au monde comme il pourrait être ou comme il aurait pu être s'appelle la pensée contre-factuel.
Il y a deux types de pensée contre-factuelle: ascendante et descendant
Ascendante concerne des états futurs imaginés meilleurs que ce qu'ils sont dans le présent (cela nourrit le regret) et descendante concerne des états futurs imaginés pires que ce qu'ils sont maintenant. Cela génère de la gratitude et un sens de satisfaction.
Les pensées contre-factuelles sont déclenchées par les événements négatifs. Ces pensées invitent le regret. Les événements peuvent être négatifs en termes absolus, mais également en termes subjectifs.
Ainsi ce que vous visez (et regardez) va influencer l'expérience générale. Si vous avez un doute... regardez cette expérience du Gorille.
Deux éléments vont influencer les regrets
- La responsabilité du choix (et du résultat)
- La facilité pour un individu a imaginer une alternative imaginaire.
Quand il y a peu d'options, les regrets diminuent. Plus vous avez d'options, plus vous aurez tendance à vous dire "si seulement j'avais...". Plus vous avez d'options moins vous avez d'excuses à l'erreur.
Plus il y a d'options, plus il y a d'opportunités au regret...
Prendre une décision et l'adaptation hédonique
Revenons à cette idée importante qu'avoir plus de choix, permet d'avoir objectivement de meilleurs résultats. Et plongeons dans une fonctionnalité de la psychologie humaine qui est l'adaptation.
Pour faire simple, nous nous adaptons à notre environnement. C'est l'une des fonctions de notre cerveau (l'homéostasie). Notre cerveau s'adapte au café, à l'alcool, mais également à notre salaire et notre niveau de satisfaction.
Pourquoi ?
Parce que la première personne a établi un nouveau point de référence.
Des chercheurs ont demandé à des gagnants de loterie de noter leur niveau de bonheur après une année. Certains avaient gagné 50'000€ d'autres 1'000'000€.
Leur niveau de bonheur était similaire. Et leur niveau de bonheur n'était pas supérieur aux gens qui n'avaient pas gagnés à la loterie.
Morale? Les humains sont remarquablement mauvais à prédire comment ils se sentiront dans la futur.
Et une erreur commune est de croire qu'un effet plaisant va durer. Le plaisir ne dure pas, au mieux il se transforme en confort.
Cette adaptation nous pousse à croire que c'est les conséquences d'un mauvais choix (alors que ce n'est pas le cas). Et que faisons-nous face à cette frustration? Nous cherchons mieux... en ignorant que cette recherche est une course sans fin.
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet de l'adaptation hédonique, cliquez ici.
Le choix et la comparaison sociale
Se fermer une porte de voiture sur les doigts, c'est mal.
L'amour sans équivoque, c'est bien.
Mais les expériences humaines ne peuvent pas être évaluées en termes absolus. Les événements sont jugés en comparaison.
Les comparaisons sont les seules références valables. La question "c'était bien ou mal?" devrait être remplacée par "à quel point c'était bien ou mal?"
Quand les gens évaluent une expérience, ils font les comparaisons suivantes:
- Comparer l'expérience à leurs espoirs...
- Comparer l'expérience à leurs attentes...
- Comparer l'expérience à leurs expériences passées...
- Comparer l'expérience aux expériences des autres...
- Comparer la différence entre ce qu'on a et ce qu'on s'attend à avoir.
La meilleure option pour contrôler le niveau de notre vie est de contrôler nos attentes. Là encore, les stoïciens l'avaient bien compris.
Les gens se comparent socialement parce qu'ils sont obnubilés par le statut.
Dans son livre "Choosing the Right Pond" l'économiste Robert Frank explique à quel point la vie sociale est déterminée par notre désir d'être un gros poisson dans notre étang. Mais aujourd'hui l'étang peut se transformer en océan mondial.
Ainsi il est préférable d'être le troisième avocat le mieux payé à 120'000 par an dans une petite entreprise que d'être l'avocat normal payé à 150'000 dans une grande entreprise. La manière d'être heureux semble consister à trouver le bon étang et d'y rester.
Dans son (excellent) livre "Mindware" Richard E. Nisbett dit:
Nous devons choisir notre entourage avec soin car nous allons être fortement influencés par lui. C'est particulièrement vrai pour les jeunes: plus vous êtes jeune, plus vous êtes influencé par les attitudes et les comportements de vos pairs.
Cela rejoint Dan Ariely qui explique dans son (excellent) livre "Predictably Irrationnal"
Nous sommes câblés à la comparaison. Peut-on faire quelque chose contre cela? Oui. On peut réfléchir aux personnes qui nous entourent et leurs valeurs. Si les gens sont matérialistes, les probabilités de le devenir augmente. Il faut faire attention aux environnements dans lesquels on « traîne » souvent.
Jim Rohn l'avait bien compris quand il a dit "vous êtes la moyenne des 5 personnes avec lesquelles vous passez le plus de temps."
Comparaison sociale et compétition
La comparaison sociale peut vite faire souffrir tout le monde... Par exemple sur un marché économique, la guerre des prix fait souffrir tout le monde: les concurrents mais aussi les clients qui ont de moins en moins de qualité.
Imaginez l'histoire suivante:
Un spectateur qui se trouve plusieurs rangées devant se lève pour avoir une meilleure vue, et une réaction en chaîne s'ensuit. Bientôt, tout le monde est debout, histoire de voir aussi bien qu'avant. Tout le monde est debout plutôt qu'assis, mais personne ne voit mieux (donc tout le monde y perd).
Lorsque les gens recherchent des biens "positionnels", ils ne peuvent s’empêcher d’être dans la course effrénée. Dans ces conditions, choisir de ne pas courir, c'est perdre.
Que faire prendre une bonne décision face aux choix surabondants?
Nous sommes entourés d'objets technologiques pour gérer notre temps, mais nous n'avons jamais eu autant peu de temps. Nous sommes libres d'être les auteurs de notre vie sans avoir quel livre écrire.
Maintenant que je vous ai montré pourquoi la surabondance du choix est dangereuse pour votre bien-être... que faire?
(oui vous y êtes enfin!)
Voici quelques pratiques pour gérer le paradoxe du choix:
1. Définissez vos standards et vos objectifs
Choisir est important, mais quand nous avons trop de choix, il devient impossible de décider. Ce n'est pas un choix qui pose problème, ce sont tous les choix ensemble et une absence de standards. Vouloir le meilleur est utopique et insatisfaisant.
Il n'est pas évident d'ignorer des opportunités, mais ce qu’il est important de garder à l'esprit est que notre satisfaction est une expérience subjective. Si le choix vous permet d'avoir une meilleure voiture, mais que l'expérience de rouler dans votre voiture ne vous satisfait pas... qu'avez-vous vraiment gagné?
Pour gérer ce problème, il vous faut choisir les décisions qui méritent votre temps, votre énergie et vos ressources. Essayez les points suivants:
- Passez en revue vos décisions récentes (petites et grandes: acheter un habit, un livre, changer de job, prendre une nouvelle assurance maladie, etc).
- Listez pour chaque point les étapes, le temps, la recherche et l'anxiété qui sont allés dans ces différentes décisions.
- Souvenez-vous comment vous vous sentiez en prenant ces décisions.
- Demandez-vous à quel point votre décision finale s'est améliorée avec le travail investi dans la décision...
En faisant cet exercice, vous pouvez définir des règles du pouce comme: ne pas visiter plus de deux magasins de chaussures pour acheter mes chaussures.
Les limites libèrent.
Cela peut être difficile à appliquer, mais souvenez-vous que vous faites déjà cela dans d'autres domaines: par exemple, pas plus de 3 verres d'alcool si vous sortez. Ou pas plus de 200 euros pour le cadeau d'anniversaire de votre fils.
L'heuristique "Deux options sont ma limite" mérite d'être testée.
2. Établissez vos règles
Le but ici est d'établir des règles de fonctionnement propre à vous: quand je me lève, je ne contrôle pas les réseaux sociaux.
Ou alors, je peux consulter mes emails que 15 minutes par jour (l'application Cold Turkey ou encore One Sec sont toutes indiquées dans ce cas...)
Je vous recommande de lire l'article sur l'autodiscipline et les listes de contrôle.
3. Pratiquez la pensée contre-factuelle descendante
Chaque matin, plutôt que d'imaginer tout ce que vous pourriez faire, revenez à une pratique enseignée par les stoïciens: la visualisation négative.
Imaginez comme votre vie actuelle pourrait être pire.
C'est bien plus efficace que la gratitude (même si la gratitude est aussi une bonne pratique).
Par exemple:
- Mon site internet pourrait être hors ligne ce matin
- Je pourrais devoir vivre dans un bunker avec ma compagnie
- Je pourrais ne pas avoir de jambes
Vous pouvez toujours imaginer pire. Croyez-moi.
4. Écourtez la comparaison sociale
On évalue la qualité subjective de notre expérience en se comparant aux autres. La comparaison fournit de bonnes informations, mais réduit la satisfaction. Il faut trouver un équilibre et bien réfléchir à ce que vous comparez.
En vous comparant moins aux autres, vous serez plus satisfait.
- Souvenez-vous que les gens n'emportent pas leur argent et leur statut dans la tombe.
- Concentrez-vous sur vos sensations et ce qui vous rend heureux. Personne d'autre que vous ne peut savoir ce qui vous rend heureux.
Notes perso:
- Il y a rien de pire que de suivre les gens qui prétendent être heureux en faisant comme eux.
- Lisez le livre How I found freedom in an unfree world
- Si vous ne pouvez pas lire ce livre parce qu'il est en anglais, apprenez l'anglais.
5. Anticipez l'adaptation hédonique
Le plaisir que vous ressentez aujourd'hui pour vos décisions ne va pas durer. Le plaisir de votre augmentation, la fougue des premiers mois dans une nouvelle relation...
On ne peut pas lutter contre l'adaptation hédonique, mais on peut développer des attentes réalistes sur le développement de nos expériences.
En anticipant que le plaisir ne va pas durer, on est moins insatisfait quand celui-ci arrive. Quelques pratiques importantes:
- Reconnaissez lors de l'achat d'un nouvel objet que le plaisir que vous avez aujourd'hui ne sera pas le même dans 3 semaines. Pareil avec les nouvelles relations (peut-être un peu plus de 3 semaines... mais vous voyez l'idée).
- Passez moins de temps à chercher le meilleur, ainsi vous n'aurez pas des coûts de recherches immenses à amortir...
- Souvenez-vous de penser aux bénéfices de ce que vous utilisez / avez déjà plutôt que de vous concentrer sur les aspects négatifs.
6. Pensez au coût de prendre une décision
Il est important de considérer le coût de l'opportunité (si j'investis 50 € là, que ne vais-je pas pouvoir faire d'autre avec ces 50€?)
Prendre en considération ce coût nous permet d'éviter de surestimer une option.
Mais avec tous les choix disponibles... cet exercice cognitif est sans fin. Ainsi, pensez au coût de l'opportunité (plus de temps, plus d'énergie, plus de comparaison, moins de satisfaction et plus de regrets) qui est nécessaire pour penser au coût de l'opportunité.
Voici quelques stratégies:
- Ne réfléchissez pas à d'autres options, sauf si c'est vraiment nécessaire pour votre bien-être.
- À moins d'être vraiment insatisfait, continuez d'acheter ce que vous avez acheté.
- Ne soyez pas tenté par le "nouveau et l'amélioré"
Félicitation, vous faites partie du 5% des gens qui disposent encore d'une capacité attentionnelle.
Source
¹ yengar, S. S., & Lepper, M. R. (2000). When choice is demotivating: Can one desire too much of a good thing? Journal of Personality and Social Psychology, 79(6), 995-1006