Le 21 mai 2022, je me suis retrouvé dans une situation délicate.
Après avoir passé un mois à gérer ma compagnie dans les troupes de sauvetage de l'armée suisse (comme chaque année depuis 2020), mes bonnes habitudes avaient disparu : je mangeais mal, je ne faisais plus de sport et j'étais épuisé.
Mais le pire ?
Mon addiction à mon smartphone était devenue incontrôlable. Ou devrais-je dire... mon addiction à la surstimulation.
Résultat ?
Réussir à me concentrer sur une simple tâche (comme écrire cet article) était bien plus difficile.
Et une force invisible m'obligeait à ouvrir compulsivement chaque application de messagerie à la recherche de la moindre notification.
Parfois plusieurs fois par heure.
Je vérifiais mes mails sans les traiter. Je retournais sur Facebook alors que c'est un réseau social que je déteste. Les distractions défilaient.
La raison à cela ?
Durant plusieurs semaines, je me suis retrouvé à devoir gérer bien plus d'imprévus que d'habitude.
Je répondais à des coups de téléphone jusque tard en soirée, je recevais beaucoup d'e-mails "urgents", des messages. J'étais devenu accro aux distractions.
Heureusement ?
Je savais qu'il me fallait refaire une petite détox de dopamine pour que je puisse à nouveau :
- Réussir à me concentrer plus longtemps que la moyenne des gens.
- Passer facilement à l'action, même sur des tâches compliquées.
- Réduire mon niveau d'infobésité.
- Faire disparaître cette sensation de ne "jamais avoir assez".
- Avoir plus de temps de cerveau humain disponible pour flâner... lire... avoir des discussions enrichissantes avec les gens qui comptent pour moi.
Et si aujourd'hui vous êtes irritable dès que vous n'êtes pas connecté à internet.
Si vous :
- n'arrivez pas à vous mettre au travail sur demande... comme si une force invisible pour en empêchait
- vérifiez automatiquement votre smartphone même en l'absence de notifications
- n'arrivez plus à prendre du plaisir dans les choses simples de la vie... (il vous en faut toujours plus)
- êtes euphorique au moment d'ouvrir les réseaux sociaux
- sacrifiez votre sommeil pour pouvoir passer plus de temps en ligne
Alors ?
Vous êtes au bon endroit.
Car en moins de 48 heures, tout cela peut changer.
Bientôt, vous vous demanderez pourquoi vous avez attendu autant longtemps.
Et tout commence avec une question que l'on ne m'a jamais posée à l'école :
C'est quoi la dopamine ?
La dopamine est un neurotransmetteur, couramment appelé l'hormone du plus (avoir plus, faire plus, ressentir plus).
Dans son excellent livre "Dopamine Nation" (disponible sur Amazon), Anna Lembke explique qu'un rôle important de la dopamine est de créer le désir nécessaire pour passer à l'action.
Ainsi de la dopamine est libérée avant même d'obtenir l'objet de nos convoitises.
Le problème ?
Notre organisme s'habitue à tout. Y compris à la dopamine qui est générée par l'attente d'une récompense mais également par la récompense elle-même.
On appelle cela l'autorégulation, homéostasie ou l'adaptation hédonique.
Voyez cela comme un buveur d'alcool qui a besoin de plus en plus d'alcool pour obtenir le même niveau d'ivresse.
Avec la dopamine c'est pareil : plus votre organisme génère de la dopamine, plus vous devez générer de grandes quantités de dopamine pour agir et continuer à pouvoir ressentir du plaisir.
(C'est le cercle vicieux de la tolérance)
Sans surprise, plus vous avez à votre disposition des activités qui génèrent facilement beaucoup de dopamine, et moins vous serez susceptible d'agir sur des activités qui génèrent moins de dopamine.
C'est ce que les anglophones appellent la "cheap dopamine".
C'est pour cette raison que certaines personnes, à force de se surstimuler avec les outils numériques, n'arrivent plus à éprouver du plaisir dans une simple conversation, la lecture d'un livre, une marche en forêt ou la contemplation d'un paysage.
Un autre point fondamental : La dopamine, c'est générique.
C'est-à-dire que plus votre niveau de tolérance à la dopamine augmente, moins vous éprouverez de plaisir dans différents domaines de votre vie. Et vice versa.
Ainsi, si vous arrêtez de boire de l'alcool (qui est une activité dopaminergique), les choses simples de la vie, comme manger un brocoli) redeviendront stimulantes.
Derrière le terme "tape à l'oeil", il y a le concept de simplement "prendre des vacances" ou "déconnecter".
Les activités qui génèrent de la dopamine
Il est évident que la dopamine n'est pas uniquement générée par l'utilisation des outils technologiques.
L'alimentation (fast food, restaurants 3 étoiles, le sucre), le sexe (enchaîner les partenaires, le porno, la masturbation compulsive), les drogues (café, alcool, coke, etc) ou les activités extrêmes (saut à l'élastique, parachute, etc) sont d'autant de moyens qui peuvent augmenter votre niveau de dopamine de base.
Mais on peut vivre normalement en société sans devoir sauter d'un parachute ou se branler 2 fois par heure... alors que vivre sans smartphone ?
C'est clairement plus difficile (comme j'en ai fait l'expérience ici)
Les conséquences d'une addiction à la dopamine peuvent être importantes
Voici les principales :
1. Vous n'arrivez pas à vous concentrer (et votre productivité chute)
En l'an 2000, la durée moyenne de l'attention était de 12 secondes. En l'an 2015, celle-ci a chuté à 8 secondes ³ .
Les prescriptions de stimulants (Adderall, Ritalin) aux États-Unis ont doublé entre 2006 et 2016, y compris chez les enfants de moins de cinq ans.
En 2011, deux tiers des enfants américains diagnostiqués comme souffrant de troubles de l'attention se sont vus prescrire un stimulant⁴.
En fait la capacité d'une population de pouvoir resté concentré semble être prise au sérieux par les le gouvernement, comme le montre la Chine :
2. Vous êtes constamment stressé (mais vous ne vous en rendez peut-être plus compte)
Parce que vous êtes constamment connecté, vous êtes toujours à la merci d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle.
Le temps de cerveau humain disponible diminue comme neige au sommeil et le cortisol ("hormone du stress") est généré en permanence.
3. Votre vie sociale est impactée
Comme toute dépendance, des effets négatifs se font ressentir sur votre vie sociale : vous ne pouvez vous empêcher de consulter votre smartphone pendant une conversation.
Quand votre ami va aux toilettes, vous ne pouvez vous empêcher de juste vérifier votre smartphone.
Vous pensez être socialement connecté, mais vous passez un temps important derrière un écran.
Je ne parle même pas des autres activités qui vous surstimulent, comme les jeux vidéos, le shopping en ligne mais aussi les drogues.
4. Votre sensation de déprime augmente
Parce que vous vous surstimulez 24h/24h, vous n'arrivez plus à prendre du plaisir dans les choses simples de la vie. Vous vous comparez aux autres pour qui tout semble réussir... et cela impacte votre humeur.
5. Vous remettez de plus en plus au lendemain
Parce que les tâches importantes ne sont pas toujours stimulantes, celles-ci passent après des tâches très stimulantes.
Vous procrastinez. Ce qui, à terme, provoque des problèmes dans votre vie...
Une bonne règle du pouce : quand c'est trop agréable sur le court terme, c'est rarement bénéfique sur le long terme.
La bonne nouvelle ? Vous pouvez changer cela. Et voici les effets positifs que vous pourrez ressentir d'ici quelques jours :
Les bénéfices d'une dopamine détox
1. Vous agirez plus facilement
Plutôt que de rester englué dans vos écrans, vous agirez plus facilement, même sur les tâches peu stimulantes (mais importante, comme vos impôts).
Le mieux ?
C'est naturel.
Vous n'avez pas besoin de faire des incantations sur votre balcon pour soudainement ressentir plus de motivation au quotidien. Votre cerveau se transforme en serviteur qui agit sur demande.
2. Vous serez concentré plus longtemps
Vous arriverez plus facilement à vous concentrer, même sur des tâches peu stimulantes.
Progressivement, vous n'aurez plus besoin de musique pour vous mettre au travail. Ni de 3 tasses de café.
Au final vous obtiendrez les résultats que vous avez aujourd'hui, mais en y passant moins de temps.
Si vous cherchez à mieux vous concentrer, jetez un œil à la méthode Deep Work.
4. Vous aurez plus de temps
Plus de temps pour vous former, créer un nouveau business, ne rien faire, tester de nouvelles choses, découvrir la vie, acheter un guide touristique de votre région et découvrir ce qui se trouve sous vos yeux.
Vous réduirez peu à peu les heures supplémentaires et vous vous demanderez pourquoi les gens autour de vous ne sont pas conscients de leur "addiction à la dopamine".
5. Vous réduirez ce sentiment de "jamais assez"
C'est l'un des effets les plus bénéfiques que j'ai ressenti en arrêtant l'alcool.
Ma relation de couple était beaucoup plus satisfaisante. Mes aliments avaient meilleur goût.
Pourtant ?
C'était une alimentation simple. Des légumes, des glucides, peu de sauce.
Je me contentais de choses simples en ressentant autant de plaisir que si je sautais d'un avion en parachute.
6. Vous réduirez l'infobésité
Consultez de l'information "dramatique" et "anxiogène" génère de la dopamine. Et le business des médias, c'est la peur. Car la peur est un aimant à attention.
Sans surprise, vous devenez un "infobèse", un individu qui consomme bien plus d'informations qu'il est capable de traiter... et qui fini paralysé sous le poids des informations.
7. Vous serez plus calme et serein
Parce que l'ennui cessera de vous faire peur. Votre cerveau sera plus apaisé à l'idée de passer à côté des centaines de distractions quotidiennes.
Voici comment faire une "dopamine detox"
Le but est de retrouver un niveau normal de dopamine. Je tiens à rappeler que vous ne pouvez pas contrôler la génération de dopamine dans votre système, mais vous pouvez contrôler vos comportements.
Le but de la détox est de supprimer durant une certaine durée, les activités qui vous surstimulent le plus.
En voyant la liste qui vient, préparez-vous à avoir une vive résistance de votre part.
Vous vous direz peut-être, tel un fumeur à qui on demande d'arrêter de fumer, que vous pouvez stopper quand vous voulez. Mais pas aujourd'hui.
La mission est simple à énoncer, mais pas facile à mettre en œuvre.
Durant 48 heures, vous supprimerez :
- La consommation de drogue (café, alcool, cigarette, etc)
- L'entraînement physique
- Internet
- Les films
- La musique
- Le téléphone
- Les médias sociaux
- La bouffe transformée
- Les jeux vidéos
- Le sexe
Si vous arrêtez tout d'un coup, je vous félicite.
Mais pour la plupart d'entre nous, ce n'est pas possible. Vous avez un job qui nécessite l'utilisation d'internet ou vous ne savez pas quoi faire à la place des activités mentionnées.
Donc jouez avec : la durée de l'expérience et l'intensité de celle-ci.
Vous pouvez tout arrêter 24h.
Ou vous pouvez arrêter les réseaux sociaux / mail durant un week-end (par exemple). À vous de faire différents tests et surtout, de noter comment vous vous sentez avant, pendant, après.
Que faire durant la dopamine détox ?
Vous pouvez
- aller marcher en forêt.
- faire un bivouac
- faire du journaling
- Méditer
- Lire
- Faire de la poterie, de la sculpture, du dessin, de la peinture.
- Pratiquer les cinq Tibétains.
La méthode "dopamine détox"
Elle se divise en 3 étapes.
1. Choisissez les activités à cesser de faire pour votre cure de dopamine
Voici deux questions qui peuvent vous aider :
- Si j'arrêtais de faire une seule chose, laquelle augmenterait ma concentration et ma productivité de la manière la plus spectaculaire ?
- Quelle autre activité dois-je éviter pour m'aider à augmenter ma concentration de la manière la plus significative ?
Puis une fois votre liste, inscrite sur un bout de papier, affichez celui-ci dans un endroit visible.
2. Ajoutez de la friction
L'un des facteurs de risque les plus important qui mène à l'addiction est l'accès facile à la drogue.
Pour ma part, les moments où j'ai eu le plus de facilité à ne pas consulter mon ordinateur / smartphone, étaient quand mon ordinateur / smartphone n'étaient physiquement pas disponibles.
Par exemple, en bivouac ou lors de ma dernière expédition en Norvège.
Vous pouvez aussi utiliser Cold Turkey (ordinateur) et App block (smartphone)
3. Commencez la journée par le plus important
Une fois que vous avez mis en place votre environnement, commencez votre journée par des activités importantes et peu stimulantes.
Pour ma part, il s'agit de ramasser les limaces dans mon jardin de permaculture, de faire les 5 tibétains et d'écrire cet article (par exemple).
BONUS : faites cela en groupe
C'est plus motivant de relever des défis en groupe que tout seul dans votre coin.
Tentez de trouver un ami motivé à participer au challenge avec vous. En fin de journée, vous vous appelez pour faire un topo de la situation.
Abordez les obstacles que vous avez rencontrés, comment vous les avez surmontés et votre humeur du moment.
Retour d'expérience sur ma détox numérique - octobre 2024
En octobre 2024 j'ai quitté les écrans durant 5 jours. Voici les étapes que j'ai suivies :
Préparation / planification
Cette première étape consistait à choisir un moment idéal pour effectuer ma détox. J'ai décidé de le faire lors de vacances en Italie, dans un hôtel tout inclus, connu, où la connexion est mauvaise et la place gigantesque.
Je suis partie avec ma femme et mon fils. Nous avons rejoint des amis. Les e-mails et les activités business était déléguées à mon assistante. Mon cerveau était zen.
J'ai informé les gens importants qu'en cas d'urgence, ils pouvaient contacter ma femme.
Déconnexion
J'ai progressivement diminué. J'ai d'abord quitté les écrans professionnels. Pas d'e-mails en lien avec le travail, pas d'accès à Telegram, pas de statistiques, pas de LinkedIn. Cette phase a duré 2 jours, durant lesquels on visitait Naples.
Une fois arrivé à Sorrento, j'ai placé mon smartphone dans le coffre de l'hôtel et la déconnexion a commencé.
J'étais un peu agité, et j'ai fait une nuit presque blanche. Signe du manque ? Je ne le saurais pas. Mais la sensation me rappelait celle ressentie lors de l'arrêt de la cigarette. Une sorte d'agitation étrange. La suite de la détox s'est bien passé.
Retour à la réalité
Pour revenir sur les écrans, j'ai fait le chemin inverse. D'abord WhatsApp, Signal, Telegram. Durant 1-2 jours. Puis LinkedIn. Puis les e-mails.
Comment éviter la surstimulation dans un monde surconnecté ?
C'est tout le problème des troubles de l'alimentation : vous pouvez vivre sans prendre de la coke ou boire de café. Mais il n'est pas possible de vivre sans s'alimenter.
Si vous êtes accro à la technologie, il vous faudra créer un environnement adéquat, composé des règles et principes adéquats.
Vous oscillerez entre des phases dans lesquelles votre niveau de dopamine est "normal" et des phases où vous êtes surstimulé...
Au final, dans un monde surconnecté, il est utopique de croire que vous êtes protégé contre la technologie et les effets qu'elle peut avoir sur vous.
Ce qui compte est d'avoir des options à votre disposition pour retrouver un niveau de stimulation OK.
Cela vous permettra de vivre plus facilement ce qu'Épictète avait déjà compris depuis longtemps : est riche celui qui maîtrise ses désirs.
Sources
- ¹ https://www.health.harvard.edu/blog/dopamine-fasting-misunderstanding-science-spawns-a-maladaptive-fad-2020022618917
- ² Dopamine Nation - Anne Lembke
- ³ Microsoft Span Canada Spring 2015
- ⁴ Dopamine Nation - Anne Lembke