Méthode d'organisation · Actualisé:

Méthode Eisenhower : Pourquoi les gens productifs ne l'utilisent pas ?

La méthode Eisenhower est censée vous aider à prioriser vos tâches. Mais elle ne fonctionne pas en pratique. Voici pourquoi

Illustration d'une personne que jette la matrice d'eisenhower à la poubelle

Avez-vous déjà été dans la situation d'avoir juste trop à faire ? Comme Maryse (une cliente qui partage sa situation sur le forum)

échec méthode eisenhower

Ni une ni deux, vous faites des recherches. Vous tombez sur la célèbre méthode Eisenhower. Tout le monde vous en parle.

Chez certains, la fierté s'entend dans leur voix lorsqu'ils disent "Ce qui est urgent n'est pas nécessairement important".

Donc vous rassemblez toutes vos tâches (premier problème). Puis vous tentez de les prioriser en utilisant la méthode d'Eisenhower (deuxième gros problème).

Tout ça ? C'est du vent. Enfin, pas tout à fait. La matrice d'Eisenhower fonctionne bien lorsqu'on parle de priorisation. Elle a le mérite d'aider les débutants en organisation à dissocier l'urgence de l'importance (urgence ≠ importance).

Mais dans la pratique, la vie de tous les jours, la matrice d'Eisenhower est un échec. Cela ne fonctionne pas lorsqu'on veut réellement prioriser.

Montrez-moi une personne productive qui organise régulièrement ses priorités en utilisant la matrice Eisenhower (qui est bien organisée, organisologiquement parlant, et je vous offre une formation).

Le problème de la matrice / méthode d'Eisenhower ?

Note : Dans la suite de ce texte, j'utilise le terme matrice / méthode de manière interdépendante.

Si vous ne connaissez pas la matrice d'Eisenhower, c'est très bien. Évitez les articles sur le sujet. Je vous fais un résumé.

La matrice d'Eisenhower est composée de deux axes

L'axe de l'urgence. L'axe de l'importance. Ces deux axes réunis dans une matrice donnent naissance à quatre cases.

  • Ce qui est urgent et important.
  • Ce qui est urgent et non important.
  • Ce qui est important et non urgent.
  • Ce qui n'est ni important ni urgent.

Voyez-vous les problèmes ?

Déjà, c'est quoi une urgence ?

Les gens utilisent des mots qu'ils n'ont jamais vraiment défini (comme le succès et la réussite).

C'est quoi une urgence ?

  • Une conduite d'eau qui pète... ?
  • une demande d'un client important ?
  • ou une tâche que l'on n'a pas réalisée à temps et qui devient urgente ?

(Si vous avez répondu, c'est contextuel et personnel, bien joué).

Mais surtout, qu'est-ce qui est important ?

Le projet A peut être plus important que le projet B sur le court terme... mais le projet B peut être plus important que le projet A sur le long terme...

Ou le projet A peut être important pour augmenter mes revenus... mais le projet B peut être important pour mon bien-être...

Ajoutez un peu de stress dans l'équation, et vous utilisez la méthode d'Eisenhower en croyant prioriser. Alors que votre situation empire.

Obsèques de la méthode Eisenhower

méthode eisenhower est un échec

Si vous voulez pouvoir continuer d'utiliser la matrice d'Eisenhower, cessez votre lecture ici. Il n'y aura pas de retour en arrière possible.

1. Vous pouvez avoir les bonnes priorités...

...si celles-ci sont trop nombreuses ? Cela revient au même que d'avoir de mauvaises priorités.

Rappel : la terre tourne sur elle-même, ce qui génère des cycles d'environ 24h.

Point commun entre tous les humains : nous avons tous 24h. Sur ces 24h se calquent des rythmes biologiques (circadiens entre autres) qui génèrent certains besoins (dormir).

Si vous prenez des ressources, comme le temps, pour alimenter une priorité... forcément, ces ressources sont prises quelque part.

Oui vous pouvez optimiser, déléguer, mais la limite demeure. Au final vous devez apprendre à choisir (donc renoncer).

Illustration du coût caché des oui

En ajoutant une priorité dans votre quotidien, vos autres priorités prennent un coup (en termes de qualité, de coûts ou de délais).

2. L'urgence nourrit l'urgence

Il est tentant de croire qu'une fois les tâches urgentes réalisées, vous aurez du temps pour vous.

J'en parlais déjà en 2017 dans mon premier livre en recommandant de commencer vos journées par vous. C'est-à-dire par avancer sur votre projet à moyen / long terme.

D'où vient une partie des urgences ?

Des gens mal organisés qui gravitent autour de vous. Si vous acceptez leurs demandes urgentes, allez-vous les inciter à changer ?

Évidemment, suivant le demandeur, utiliser le mot "non" pour dire "non" n'est pas recommandé, mais vous pouvez formuler votre "non" d'une autre manière.

Par exemple, lorsque j'étais encore un salarié, je demandais souvent à mon boss (qui débarquait dans le bureau avec des idées et urgences en tout genre) : que dois-je mettre sur pause pour pouvoir avancer sur cette nouvelle activité ? (en lui montrant ses projets sur lesquels je travaillais).

N'oubliez pas, le meilleur outil pour gérer votre temps c'est le mot "non".

3. Ce qui est important devient urgent si ce n'est pas fait

En gros, la procrastination du jour est l'urgence de demain.

Mais la méthode Eisenhower ne vous explique pas ça, elle vous invite à faire de l'ordre à un instant T. Mais les priorités changent avec le temps qui passe.

J'espère vous avoir convaincu de ne pas utiliser la matrice / méthode Eisenhower pour réduire votre charge de travail en définissant mieux vos priorités.

Mais que faire alors ? Commençons par éclairer le problème.

Ce qui provoque un manque de temps (ou de ressources)

Qu'est-ce qui provoque ce manque de ressources ?

1. Vous travaillez mal

En gros, vous ne savez pas par où commencer, vous êtes distrait, vous manquez d'énergie. Vous n'arrivez pas à rester concentré, vous ne prenez pas de pauses, vous travaillez assis, etc.

En améliorant votre efficience ? Vous arriverez à faire plus avec vos ressources actuelles.

Mais si vous ne priorisez pas ou mal, si vous vous réengagez dans de nouveaux projets en voyant les ressources disponibles depuis vos améliorations…?

Rapidement, vous serrez un peu mieux sous l'eau. Mais cette fois, il sera plus difficile de changer la situation.

2. Vous avez trop à faire

En fait, pour des raisons plus ou moins claires, vous vous êtes engagé (consciemment ou non) dans certains projets, certaines activités. La vie étant ce qu'elle est, cela ne se déroule pas comme prévu.

Soit ça coûte plus, soit ça prend plus de temps. Alors, vous tentez de prendre là où il reste du temps : famille, sommeil, temps dédié à la flânerie ou à la lecture.

Cette pratique fonctionne si elle reste localisée dans le temps, si c'est une exception, mais si cela devient votre nouvelle norme ? Continuez ainsi et vous exploserez en vol.

La plupart des gens dans cette situation ? Ils se mettent à prioriser les tâches de la journée. En gros, ils vont s'amuser à jouer au Tetris dans leur agenda (ou leur todo liste ouverte).

Ça ajoute de la complexité... ça ne fonctionne pas. Car une tâche en génère une autre. Votre disponibilité mentale se disperse sur une multitude de projets.

À moins d'être Elon Musk qui gère SpaceX, Tesla, Neuralink... bonne chance (Elon n'a pas de vie de famille, il lui arrive fréquemment de dormir sous son bureau).

Ma réponse lorsque j'ai trop ?

1 exercice + 3 questions pour (vraiment) mieux prioriser sans utiliser la méthode Eisenhower

On imagine ceux qui restent dans la médiocrité comme des gens qui ne font rien. Alors qu'en fait, ceux-ci s'agitent. Ils se dispersent, car ils ont trop d'engagements. Puis s'épuisent.

Si nous avons tous la même quantité de temps, pourquoi certains ne se plaignent pas de manquer de temps ? Vous le voyez : le problème n'est pas le temps. Le problème est toujours une question de priorités.

Il y a un exercice intéressant à faire :

Au cours d'une journée de travail (partez pour une semaine pour plus de précision) vous listez vos actions de la journée... (planifiées ou non).

En fin de journée, vous reliez les actions de la journée avec les projets / engagements, auxquels ces actions se rattachent.

Puis vous vous demandez pour chaque projet,

  • Les raisons qui vous poussent à continuer ce projet... ?
  • Ce qu'il se passerait si vous arrêtiez ce projet... ?
  • Ce qu'il se passerait sur vos autres projets si vous n'aviez plus ce projet... (question qui m'a beaucoup aidé) ?

Nous revenons au premier principe de l'Organisologie : la soustraction avant l'addition.

la manière la plus efficace de s'organiser consiste à fermer les bonnes portes

C'est le problème de l'ikigaï ou autres méthodes "top-down".

Je me pose en réfléchissant à ce que je veux faire... plutôt qu'à ce que je suis en train de faire...

Car vos journées sont déjà remplies, non ? Si vous lisez cet article, je pense que c'est le cas.

La première étape pour ne plus avoir à utiliser la méthode Eisenhower, c'est de lister vos engagements actuels. Puis de mettre sur pause certains de ces engagements.

Invariablement, c'est ma réponse au problème "trop de travail".

Je ne travaille pas au niveau des tâches, car dans un projet correctement structuré (voir le triangle QCD), chaque tâche est importante. Je mets sur pause le projet / l'engagement.

Même si vous appliquez la méthode du chemin critique : si vous ignorez suffisamment longtemps ce qui se trouve en dehors du chemin critique, alors une tâche non critique le devient.

Voici comment gérer les urgences sans la méthode Eisenhower

C'est très simple, mais pas facile à pratiquer.

Surtout si vous êtes dépendant des gens qui génèrent ces urgences (un client important... mal organisé, un boss mal organisé).

Car la plupart des urgences sont causées par un manque d'organisation. Chez vous, ou chez les autres. Si vous prenez l'habitude de faire ce qui doit être fait à temps, les urgences seront bien moins nombreuses.

Je vous donne un exemple perso (parce qu'évidemment, il m'arrive de procrastiner. Je ne sors pas pour autant me flageller dans mon jardin. Le but est de tendre vers cet idéal de ne pas procrastiner).

Le lancement de mon troisième livre : j'ai créé les bonus deux jours avant la sortie du livre.

  • Ai-je eu l'information qu'il fallait faire des bonus ? Oui, c'est moi qui ai écrit le livre.
  • Depuis quand je savais qu'il fallait faire des bonus ? Des mois.
  • Ai-je eu le temps avant pour faire ces bonus ? Oui, évidemment.

Cette tâche repoussée jusqu'à la dernière minute m'a mis dans la merde.

Pourquoi est-ce arrivé ? Pour plusieurs raisons, mais l'une d'entre elles est un phénomène amusant : quand, on va trois mois dans le futur pour regarder son agenda, celui-ci est vide. Mais partez du principe suivant : cette journée sera autant remplie que la date du jour dans votre agenda.

Si vous pensez pouvoir repousser une tâche, en pensant avoir du temps dans trois mois, vous vous mettez le bras dans l'œil.

Une bonne heuristique (règle du pouce) est de vous dire : est-ce que vous feriez la tâche aujourd'hui ? Avant de dire oui à quelque chose. Si la réponse est non, réfléchissez (très) bien avant de dire oui.

La seule manière de gérer les urgences

1. Inscrivez l'urgence sur du papier (ou dans votre application fétiche)

Si vous ne pouvez pas inscrire l'urgence sur du papier, c'est une vraie urgence. Tempête, feu, voleur qui s'introduit chez vous.

Hier ma femme m'écrit : tu peux m'envoyer les billets d'avion pour le week-end prochain ? Si vous me dites que c'est une vraie urgence, vous vous mettez le bras dans l'œil. Et je vous invite à réfléchir à deux fois.

L'autre été, la conduite d'eau a pété dans ma cave, sans prévenir. Je demande à ma femme (il était 10h du matin) "tu te coules un bain ?".

Elle me dit "Non, je pensais que tu te coulais un bain".

Il s'agit ici d'une vraie urgence. Chaque seconde, qui passe sans rien faire, augmente les conséquences négatives pour moi.

La difficulté se trouvent pour les imprévus qui se trouvent entre ces deux extrêmes. Une question qui peut aider :

  • Puis-je repousser cette urgence d'une heure ?
  • D'une demi-journée ?
  • D'une journée ?

Si non, pourquoi ?

2. En fin de journée, vous reprenez les urgences que vous avez inscrites sur le papier (ou l'application)...

Puis vous les planifiez pour au plus tôt le jour suivant.

Si vous me dites "ce n’est pas possible" je vais partager avec vous une phrase qui m'a remis les neurones en place.

Cette phrase provient de David Manise. Quand j'ai demandé "quelle habitude t'a le plus apportée, quand tu as cessé de la faire"... il m'a répondu "croire que quelque chose sera difficile".

Gardez ça avec vous.

Si vous êtes un manager ou si vous êtes dans une fonction où les urgences représentent régulièrement de vraies opportunités, alors vous pouvez jouer le moment durant lequel vous planifierez les urgences. Mais pas avant d'avoir essayé ma première recommandation.

La méthode Eisenhower, simple en apparence

Vous l'avez vu, vous le savez, je n'utilise pas la méthode Eisenhower pour gérer mes priorités.

Les urgences, je fais TOUT pour les repousser au lendemain (même les plus insignifiantes qui ont tendance à me faire dévier de ma planification de la journée).

Quand j'ai trop : je fais le paysagiste. Je me rappelle que les engagements sont comme des buissons, ils méritent une taille régulière.

Soit, je réduis le périmètre de mes projets (un point qu'on n'a pas abordé jusqu'ici, mais que j'aborde en détail dans le cours encore gratuit La méthode des 4P)...

Soit, je mets sur pause / annule certains engagements.

Et je peux à nouveau respirer.

Julien