Multitasking: ses dangers méconnus sur votre cerveau et votre travail

Le multitasking est une opportunité de merder plusieurs choses en même temps - Steve Uzzell

Lorsque je suis tombé sur cette citation, je me suis demandé: est-ce que travailler sur plusieurs tâches en même temps est vraiment impossible?

Parce que... il faut l'admettre... le multitasking est un rêve pour beaucoup:

  • Imaginez pouvoir réaliser plusieurs tâches en même temps.
  • Imaginez avancer sur plusieurs projets en parallèle.
  • Imaginez faire en 2 heures ce que d'autres font en 4 heures...

Maintenant, si vous parcourez les blogs normaux sur la productivité et l'organisation, vous lirez régulièrement que le multitasking est impossible et qu'il faut l'éviter à tout prix...

multitasking

Mais est-ce vraiment le cas?
Est-ce que certaines tâches peuvent être réalisées en parallèle?
Comme le montage de ma vidéo et la création de nouvelles cartes d'anglais?

J'ai donc ouvert mon cerveau numérique et mes cartons pour vous concocter cet article... et dans mon expédition mentale, je suis tombé sur des recherches qui démontrent qu'il est possible de faire plusieurs tâches en même temps...

Mais il y a un mais (évidemment).

En travaillant en mode "multitâche" vous devez respecter deux conditions spécifiques...

Sinon? 

Votre cerveau est effectivement en danger.

La différence entre le "bon" multitasking et le "mauvais" multitasking

Commençons par la définition du multitasking.

Ce terme anglophone provient initialement du monde informatique dans lequel les ordinateurs peuvent faire plusieurs choses en même temps (plusieurs logiciels réalisent plusieurs tâches).  Appliqué à l'humain, le multitasking (ou multitâche) consiste à réaliser plusieurs tâches en même temps.

Ce terme est devenu très tendance dans les années 2010. On le voyait à toutes les sauces, jusqu'à rejoindre les fiches de postes:

la tendance du multitasking

Mais pour bien comprendre la définition du multitasking, il faut comprendre la différence avec son proche cousin: le zapping.

Le zapping consiste à passer très rapidement d'une tâche à l'autre. 

D'un onglet d'ordinateur à un autre. D'une conversation à une autre. D'un article à un autre. D'une image de votre fil d'actualité... à une autre.

Cela nous donne l'impression d'avancer plus rapidement, de faire plusieurs choses en même temps... alors que de l'énergie est utilisée entre chaque transition. 

Après tout... chaque tâche nécessite un "temps" de chauffe durant lequel vous devez vous dire: "Est-ce que j'ai tout mon matos? Est-ce que je sais quoi faire?"

Comprenez bien ceci: le 99% du temps, lorsqu'une personne vous dira "je sais faire plusieurs choses en même temps" traduisez ceci par "je sais passer rapidement d'une tâche à une autre et je me fatigue"... et ceci est ce que j'appelle le mauvais multitasking.

Et ce mauvais multitasking est dangereux...

Les 2 expériences qui prouvent que le multitasking est dangereux sur votre cerveau

Imaginez la situation suivante: vous êtes en train d'écrire un e-mail, et vous recevez une notification de votre client le plus important (ou votre boss) avec comme titre d'e-mail le mot [Urgent].

Maintenant vous avez deux options (vous en avez toujours plus... mais avançons!) :

1. Vous continuez d'avancer sur votre tâche, mais retrouver le même niveau d'attention que vous aviez avant l'interruption nécessite du temps.

2. Vous quittez votre tâche et passez à la nouvelle tâche (sur laquelle il faudra investir du temps et de l'énergie).

Gloria Mark, professeur d'informatique à l'université de Californie explique que les gens, après une interruption, prennent 23 minutes pour retourner à leur tâche initiale... et la plupart d'entre eux vont faire 2 autres tâches avant de revenir au projet initial.

Le plus intéressant:

Que vous ouvriez ou non l'e-mail que vous venez de recevoir, vous avez déjà, inconsciemment, utilisé de l'énergie pour décider ou non de continuer la tâche du moment... ou de quitter la tâche et de passer à cette nouvelle demande...

Ce que je viens de décrire est le quotidien de millions de personnes et c'est épuisant.

Le problème?

Le multitasking n'est pas uniquement une perte de temps et d'énergie, mais il est également générateur de stress. Avoir plusieurs dossiers ouverts nous fait perdre la vue d'ensemble sur ce qui doit être fait, ce qui nécessite notre priorité et augmente notre sentiment d'impuissance face à la tâche.

Quoi de plus stressant que de se sentir impuissant face à une tâche qui doit être réalisée?

Et le stress chronique mal géré provoque de gros problèmes sur votre santé.

Un autre problème populaire qui touche les "multitaskers":

Un test mené par Eyal Ophir et Anthony Wagner a testé la capacité des gens travaillant en mode "multitâche".

2 groupes étaient réunis: ceux qui travaillent souvent en mode "monotâche" et ceux qui travaillent en mode "multitâche".

Les deux groupes devaient identifier 2 rectangles rouges qui flashaient sur un écran et annoncer si leur position initiale avait changé. Autour de ces rectangles se trouvaient 2, 4 ou six autres rectangles bleus qui apparaissaient de manière imprévisible et qu'il fallait ignorer.

Résultat? Les "multitaskers" étaient constamment distraits par les rectangles bleus et n'arrivaient pas à suivre l'exercice. Les gens qui ont l'habitude de travailler en mode "monotâche" n'ont eu aucun problème à ignorer les distractions.

D'autres expériences ont été menées, comme la projection d'images et de textes de manière simultanée avec comme objectif de se concentrer soi sur les images, soit sur le texte. Encore là, les gens qui ont pour habitude de travailler en multitasking n'arrivaient pas à gérer le flux d'information et étaient rapidement surchargés.

Les multitaskers semblent rencontrer des problèmes à savoir ce qui est relevant de ce qui ne l'est pas.

Et en tant que travailleur du savoir... savoir identifier ce qui doit être fait (et ce qui doit être ignoré) est l'une des tâches les plus importantes...

Comme le soulève Peter Drucker avec sa célèbre citation: il n'y a rien de plus inutile que de faire parfaitement ce qui ne mérite pas d'être fait.

Mais ce n'est pas tout...

Le prix biologique du multitasking...

... est une consommation de glucose plus élevée par le cerveau.

les effets du multitasking sur le cerveau

Pour compenser, les gens mangent plus et consomment plus de café, explique Daniel Levitin, professeur des neurosciences comportementales à l'université de McGill.

Sans omettre un point important: plus vous multitaskez, plus il vous semblera naturel et normal de travailler de cette manière... sans vous apercevoir que petit à petit, votre productivité ramasse. C'est ce qu'on appelle l'effet de simple exposition.

Pour terminer... ceux qui apprennent en mode multitasking mémorisent moins bien que ceux qui apprenent en faisant une chose à la fois.

Maintenant que le portait du mauvais multitasking a été réalisé... pourquoi aller plus loin?
Parce que dans mes recherches, j'ai découvert qu'il est possible de faire du bon multitasking...

Les 2 conditions impératives pour mettre en place du bon multitasking.

C'est en écrivant mon bouquin 2h chrono pour mieux m'organiser que je suis tombé sur le livre de Caroline Datchary "La dispersion au travail".

Je vous recommande le livre ne serait-ce pour réapprendre à lire des textes pas forcément divertissant, mais néanmoins intéressant 😉

À la page 92 vous trouverez un résumé l'expérience de Cherry E, réalisée en 1953 et intitulée: Some experiments on the recognition of speech, with one and with two ears.

Voici ce qui mérite votre attention:

Si plusieurs tâches nécessitent le même canal sensoriel, on remarque une baisse de performance des deux tâches.

Par exemple, si je vous demande de mémoriser le chemin pour venir chez moi tout en écoutant un podcast, les deux tâches utilisent votre ouïe.

En revanche, si deux canaux sensoriels sont utilisés, il peut également y avoir des interférences dans la performance, mais celles-ci peuvent être minimisées, voire éradiquées par l'apprentissage grâce à l'acquisition d'automatisme.

Une expérience a été menée sur des étudiants qui devaient comprendre un texte (lire -> vue) qu'ils lisaient tout en copiant un texte dicté (écrire -> ouïe).

  • En mode "monotâche" et sans entraînement, les étudiants sont capables de lire 400 mots minute.
  • En mode "multitâche" et sans entraînement, les étudiants sont capables de lire 280 mots minute tout en écrivant un texte qu'on leur dicte.

Mais après un entraînement de 85 heures, leur vitesse de lecture et la compréhension étaient à peine affectées par la deuxième tâche.

Donc oui... il est possible de faire 2 tâches en même temps à deux conditions:

  1. Ne pas utiliser le même canal sensoriel
  2. Se former à exécuter l'une des deux tâches en mode automatique.

Cela nécessite du temps.. et de la pratique délibérée.

Est-ce que cela en vaut vraiment la peine?

Je vous laisse le soin de répondre à cette question. Ce qui est certain... c'est que plusieurs situations doivent absolument être abordées de manière "monotâche".

Les 4 situations de mauvais multitasking fréquentes à éviter (pour vivre plus longtemps)

Il existe probablement d'autres situations que celles listées ci-dessous... mais pour moi ce sont les plus importantes.

1. Quand les conséquences d'une erreur sont dramatiques

conduire en regardant son smartphone

Si le coût des erreurs est dramatique alors je vous recommande sérieusement d'éviter le multitasking. Si vous conduisez (canal sensoriel: vue), par exemple, je vous recommande d'éviter de lire vos messages what's app (canal sensoriel: vue).

Et même si vous utilisez un kit mains libres, le risque d'accident augmente.

2. Quand vous devez atteindre le flow

Le flow est cet état de conscience dans lequel le temps passe plus rapidement, les problèmes ont tous des solutions et votre créativité est plus riche. Rentrer dans le flow nécessite plusieurs conditions. Selon Mihaly Csikszentmihalyi (je sais c'est chaud à prononcer):  l'une des conditions est de rester concentré sur une tâche à la fois.

3. Quand vous souhaitez vous sentir bien à la fin de la journée

Ce qui est intéressant avec le multitasking, c'est qu'à la fin de la journée, on a cette sensation (horrible) de n'avoir rien fait.  Alors qu'en travaillant sur une seule tâche de manière concentrée durant, disons... plusieurs heures... je me sens totalement satisfait de ma journée.

4. Quand vous souhaitez être productif

Il m'arrive d'avoir mes journées "sans". Zéro énergie, zéro motivation, dans ce cas, je me mets à passer d'une tâche à l'autre. Résultat? Je me sens encore plus mal à la fin de la journée, ce qui me donne le coup de pied au cul mental pour reprendre de bonnes habitudes dès la journée suivante.

3 stratégies pour réduire le mauvais multitasking...

Arrivé ici, vous réalisez que le multitasking est possible, mais que dans certaines conditions.

Apprendre à multitasker ne fait pas partie de vos priorités et vous préférez apprendre à vous organiser. Que faire? À mes yeux, ceux qui réussissent à ne pas multitasker ont compris qu'il est dangereux de se faire confiance.

On est mauvais à prédire nos humeurs et comportements futurs.

Souvent on pense que l'on réussira à faire une seule chose à la fois... puis une idée, une notification ou l'ennui viennent nous titiller... et nous font dévier de nos bonnes intentions. Clin d'oeil aux procrastinateurs qui nous lisent...

Ceux qui réussissent ont bien compris qu'il est préférable de travailler sur l'environnement afin d'éviter d'avoir à utiliser de la volonté. Personne n'a besoin de volonté pour résister à une barre de chocolat quand il n'y a pas de barre de chocolat à manger.

Ne pas avoir de volonté et ne pas avoir besoin de volonté fait toute la différence dans votre réussite à travailler sur une seule tâche à la fois.

Comment faire donc?

1. Réduire les sollicitations externes

Réduire les sollicitations externes commence par paramétrer correctement les outils que vous utilisez. J'ai créé un guide pour votre smartphone ici. Mais cette pratique doit être appliquée à votre ordinateur, tablette, montre connectée et j'en passe.

Vous devez également, si vous travaillez avec d'autres personnes, mettre en place des règles et communiquer celle-ci.

2. Réduire les sollicitations internes.

Les sollicitations internes sont toutes vos pensées qui vous traversent l'esprit. Cela concerne surtout les personnes touchées par l'infobésité. Un exercice simple consiste à:

  1. Inscrire vos tâches dans votre agenda infini...
  2. Commencez chaque journée par vous videz l'esprit dans votre inbox en buvant votre café.
  3. Identifiez ce qui ne doit pas être fait


Il est plus facile d'identifier ce qui ne doit pas être fait que ce qui doit être fait.

Une fois cette première étape réalisée, vous aurez plus de temps à disposition. Par expérience c'est l'impression de manquer de temps qui nous incite à faire plusieurs choses en même temps.

Ralentissez.

Respirez

Et souvenez-vous de la loi de Pareto qui stipule que dans l'ensemble de vos actions, une minorité est vraiment importante.

Une fois que vous avez mis de côté ce qui doit être supprimé, le triangle QCD vous permettra d'affiner les tâches qui méritent votre attention...

Une fois ce travail rapide réalisé, vous pouvez insérer vos tâches dans un KANBAN.

3. Travailler avec la méthode KANBAN

J'ai écrit un article sur la méthode KANBAN. En bref, cette méthode d'organisation visuelle vous permet d'identifier vos voleurs de temps, mais également les goulots d'étranglement dans un processus... mieux encore, cette méthode d'organisation vous permet d'identifier à n'importe quel moment la tâche qui doit être réalisée.

Je travaille essentiellement avec la méthode Kanban que j'insère dans mon agenda infini.

Conclusion, alors, le multitasking, mythe ou réalité?

Le multitasking est une réalité difficilement évitable. Un aspect que j'ai peu abordé dans cet article est le multitasking comme réponse aux changements de plans.

Les plans d'action se basent sur le passé en espérant écrire le futur. Mais dans la pratique, l'impermanence de notre environnement nous incite à réajuster continuellement nos actions pour saisir des opportunités qui se présentent ici et maintenant (et éviter des imprévus qui peuvent s'avérer très couteux).

Certes la technologie correctement maîtrisée, un environnement bien configuré et de bonnes compétences organisationnelles peuvent nous aider à réduire la différence entre la planification et l'exécution (et en conséquence, le multitasking)...

Mais le multitasking, en tant que travailleur du savoir, ne pourra pas être totalement supprimé de notre quotidien. Simplement parce que nous sommes automatiquement attirés par ce qui est surprenant ou connu (si quelqu'un mentionne votre nom en soirée, même si vous êtes dans une discussion intéressante, votre attention va se diriger vers la personne qui a mentionné votre nom).

Alors oui... dans certains cas, il est intéressant d'envisager d'apprendre à automatiser une tâche afin de pouvoir faire une deuxième tâche en parallèle... mais il faut se rendre à l'évidence qu'au quotidien, ce processus d'apprentissage est long et peu flexible.

Il est donc préférable d'organiser votre flux de travail et de travailler en mode "monotâche".

Vous réaliserez beaucoup en faisant une chose à la fois.

C'est la puissance ingénieuse des limites.

Julien

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