Dans l'Organisologie, le comportement représente l'énergie que le système a besoin pour faire fonctionner l'outil et la méthode de manière cohérente.
C'est le moment où l'on presse sur le bouton, le moment où l'on prend une checklist pour créer un résultat.
Le moment où l'on se pose pour traiter ses e-mails. Le moment où l'on se pose pour faire ce que l'on a décidé de faire la veille. Le moment où l'on agit.
Et les comportements adéquats sont souvent synonymes de comportements réguliers.
Certes, la régularité ne vous garantit pas de réussir. Mais l'irrégularité amène avec certitude le désordre et le chaos.
Les bénéfices de la régularité
Quels sont les avantages d'être régulier ? Pourquoi ne pas travailler au feeling, quand l'inspiration surgit ?
1. La régularité contrebalance la création du désordre
J'écris cet article sur un bureau bordélique : tablette, gourde, petit trépied d’éclairage, caméra, disques durs, câbles de connexion et calepin moleskine. Sans oublier quelques livres et tasses à café.
Pour m’aider à vivre sereinement ma dissonance cognitive, je me rappelle la phrase d’Einstein :
« Si la vue d’un bureau encombré évoque un esprit encombré... alors que penser de celle d’un bureau vide ? »
Chaque semaine, quand arrive le week-end, je range mon bureau. Malgré mes efforts pour garder ce bureau rangé, le chaos revient à la charge. Comme si une force invisible s’amusait à désorganiser mes affaires.
Cette force invisible, c'est la loi de l'entropie
Dans un système isolé, l’entropie va toujours augmenter. L’entropie est une mesure du désordre dans un système.
Imaginez un appartement dans lequel vous venez d’emménager. Tout est propre, chaque objet est à sa place, vous êtes bien déterminé à maintenir cet ordre.
Mais avec le temps qui passe, le désordre s’installe.
Les taches de sauce tomate viennent marquer le carrelage de la cuisinière. Les minons de poussière se mettent à virevolter au sol, les vitres se salissent. Le calcaire se dépose sur le robinet de la douche.
Espérez-vous voir votre appartement se ranger tout seul comme par magie ? Avec un claquement de doigts ? Non.
Ainsi, vous utiliserez de l’énergie pour remettre de l’ordre.
Mais après avoir rangé votre appartement (ou payé une personne pour le faire à votre place), est-ce que le phénomène d’entropie épargnera votre appartement ?
Non, dans quelques heures, le désordre pointera à nouveau le bout de son nez.
Maintenant, même si cet appartement est inhabité, l’entropie demeure : les insectes s’installent, les conduites rouillent, les toiles d’araignée se multiplient. L’entropie est juste plus lente.
Pour faire simple, tout se désorganise et on ne peut rien y faire
Tout va de l’ordre au désordre. Conséquence ? De l’énergie est requise, de manière régulière, pour contrebalancer ce phénomène.
L’ordre parfait peut être atteint à un moment T, mais il ne peut pas être maintenu sans un investissement régulier en énergie. Oui, c’est frustrant.
Et plus vite vous acceptez cette idée, plus vite vous pouvez créer un système d'organisation efficace.
Le désordre n’est pas mal en soi, l’ordre non plus. Ce qui est mauvais, ce sont les extrêmes qui durent trop longtemps. Et ceci dans beaucoup de domaines : manger une pizza le samedi soir n’a jamais tué quelqu’un.
Par contre, si vous mangez tous les soirs une pizza durant plusieurs mois/années, votre système (votre corps en l’occurrence) se mettra à dysfonctionner plus rapidement que celui d’une personne mangeant plus sainement.
Avoir des comportements trop réguliers ne vous permet pas de profiter des imprévus, des opportunités et des plaisirs de la vie.
Avoir des comportements totalement irréguliers vous empêche de progresser et d’atteindre vos objectifs, de centraliser votre information et d’avoir l’esprit libre pour être créatif et serein. Ne pas faire de sport est parfois aussi néfaste que de faire trop de sport.
Le but des actions régulières est de faire osciller votre système d'organisation entre des limites acceptables, qui lui permettent de rester utile dans votre quotidien.
Si vous utilisez votre système d'organisation sans l’entretenir, en quelques jours, vous vous trouverez avec des projets qui ne sont pas actualisés, un agenda chaotique, un dossier de téléchargement surchargé.
Quelle sera votre réponse face à cela ? « Cette méthode d'organisation ne fonctionne pas, le cerveau numérique, ce n’est pas pour moi » ou, pire encore, « Je suis nul, je n’arrive jamais à être régulier.»
Puis vous retomberez dans l’infobésité, la désorganisation, vous vous ferez ballotter par le FOMO, les urgences du quotidien et vous retournerez à votre point de départ.
2. La régularité réduit le rôle du hasard
Imaginez poster un jour un post sur Linkedin qui devient viral. Comment saurez-vous que ce n'est pas juste un coup de chance ? Comment pourrez-vous reproduire ce résultat ?
Vous ne le pourrez pas.
Sauf si vous vous mettez à publier plusieurs posts, avec régularité, afin d'identifier les signatures communes des posts qui semblent mieux fonctionner que les autres.
Il en va de même avec vos actions.
Avec un peu de chance, un mauvais archer peut parfois atteindre sa cible.
Ce qui nous amène à un point important : le but n'est pas de faire juste quelque fois, mais de ne plus faire faux.
3. La régularité offre un avantage compétitif
Beaucoup de gens n'arrivent pas à être régulier. J'en parlais avec Alexis Bonon dans un échange disponible pour les clients du Cerveau Numérique.
À un moment il dit :
"depuis les années que je publie un post par jour sur LinkedIn, j'en ai vu passer des gens qui démarrent l'aventure... et qui abandonnent après quelques semaines, quelques mois".
Et la régularité permet de créer un effet cumulé que l'on ne pourrait pas avoir en travaillant de manière intense.
Travailler de manière intense nécessite des ressources, du temps, de l'énergie qui sont rarement disponibles dans une vie d'adulte, et encore moins dans une vie de parent.
Prenez mes illustrations : j'ai commencé en juillet 2022 (les nouvelles illustrations, car ça fait longtemps que j'aime illustrer, mais en juillet 2022 j'ai suivi la formation de Janis Ozolin).
Une illustration ne change pas la donne. Mais illustrer quelques idées chaque semaine me permet d'avoir une tonne d'images à ma disposition pour mes articles, mes formations, mes posts LinkedIn, mes livres et j'en passe.
Cette tonne d'idées ne peut pas être créée de manière intensive, seule la régularité m'ouvre l'accès à ce résultat.
Donc, visez la régularité avant l'intensité de vos actions
La plupart des gens fonctionnent en zigzag. Ils souffrent de leur situation, et quand la situation devient intolérable, quand leur souffrance passe un certain seuil, boom, de l'énergie est libérée.
Et ils passent à l'action.
Mais le but de cette action n'est pas de supprimer les causes de la souffrance de manière définitive. Le but de cette action est de rendre la souffrance plus tolérable.
Certains de mes lecteurs débarquent dans l'Organisologie parce que c'est le chaos dans leur vie. Ils mettent en place une ou deux techniques, la situation s'améliore.
Et ils retournent à leurs pratiques habituelles.
Quelques temps plus tard, le chaos revient. Cette fois ils vont regarder des vidéos pour être plus productifs.
Ils appliquent de manière intense une ou deux techniques, installent Notion, LogSeq (ou une autre application tendance) et quelque temps plus tard, le chaos revient.
Faut-il renoncer aux comportements intensifs ?
Vous êtes peut-être en train de vous dire :
« Je préfère ranger un bon coup quand je n’en peux plus. Avec le temps que je n'utilise pas dans des comportements réguliers, je peux trouver de nouveaux clients ou passer du temps à boire des cafés avec mes amis. »
Mais avez-vous considéré ces éléments ?
1. Plus le désordre augmente, plus la tâche de rangement grossit
Plus vous attendez pour ranger votre domicile, plus la tâche de rangement semblera impressionnante et plus vous repousserez la tâche.
Durant tout ce temps, vous n’inviterez personne chez vous et chaque fois que vous rentrerez dans votre domicile, vous sentirez ce poids sur vos épaules.
Avec votre système d'organisation, c’est pareil. Si vous ne prenez pas de temps pour mettre de l’ordre dans vos outils, vos méthodes et vos espaces de travail, en fin de semaine ou en fin de mois, la tâche semblera immense. Et vous repousserez celle-ci.
Le lien avec le poids fait ici sens : perdre 2 kilos après les fêtes de fin d’année est plus facile que perdre 20 kilos après une année d’abus alimentaire.
Pendant que votre système d'organisation dysfonctionne, celui-ci ne délivrera pas son plein potentiel.
Vous ne retrouverez plus un document, vous manquerez une échéance importante, vous laisserez traîner des e-mails qui sont autant de bombes à retardement.
Le simple fait d’ouvrir votre logiciel vous exaspérera. Et vous commencerez à regarder d’autres applications qui semblent être plus intéressantes et bien mieux organisées (normal, elles sont vides).
2. Le chaos nous éloigne du système
Chaque jour qui passe, le chaos fait dysfonctionner votre système d'organisation un peu plus.
Sans surprise, vous abandonnerez le système. Vous entasserez l’information comme vous pouvez, vous parerez au plus urgent et le chaos s’installera encore plus dans votre vie.
Vous prendrez du retard sur d’autres projets, bâclerez votre travail ou décevrez certaines personnes.
3. Les comportements intensifs ne corrigent pas vos comportements réguliers dysfonctionnels
Ranger votre système d'organisation une fois par année, c’est comme aller chez le dentiste pour vous faire soigner une carie, mais continuer de boire du coca-cola tous les jours.
C’est comme prendre un abonnement pour se faire des liposuccions sans changer d’alimentation. Vous traitez la conséquence et vous ignorez la cause.
Donc ? Les conséquences reviennent. Traiter les conséquences tout en ignorant les causes est une pratique populaire en Occident. Mais c’est une pratique coûteuse pour la société et l’individu.
C’est pour cette raison que je vous recommande d’investir du temps et de l’énergie (via vos comportements) pour passer en revue votre système et améliorer celui-ci.
L'ennemi de la régularité
Dans un quotidien surchargé, il n'y a pas 36'000 façons de mettre en place un comportement régulier : commencez petit.
Idéalement, on veut des comportements intenses, réguliers et durables. Mais ça nécessite un bon contexte et une connaissance de soi avancée.
Pour mettre en place un comportement régulier, celui-ci doit être petit. Et parce que c'est petit, ces croyances se transforment en obstacles difficiles à déboulonner :
- C'est petit, donc ça ne fait pas de différences.
- C'est petit, donc les urgences du jour sont plus importantes.
- C'est petit, donc je ferai demain, car je serai de meilleure humeur demain.
Mais quand on renonce à effectuer une action que l'on s'est engagé de faire, on ne renonce pas seulement à l'action, on renforce une nouvelle identité : celle de l'amateur qui n'est pas fiable. Qui ne peut pas se faire confiance.
On s'engage alors dans une nouvelle voie, celle de l'irrégularité, la dispersion et la médiocrité.
3 idées qui m'ont aidé à être régulier
Première idée : la régularité, pour atteindre certains objectifs, n'est pas la meilleure manière de parvenir à mon résultat, mais c'est la seule.
Si vous voulez devenir fort qu'est-ce qui fonctionne le mieux :
- Faire 200 pompes le premier jour, puis prendre des anti-douleurs les 3 jours suivants, afin de pouvoir continuer d'écrire sur votre clavier
- Ou faire 10 pompes par jour jusqu'à la fin de votre vie ?
La seconde solution est la meilleure manière de développer votre force, car dès que vous serez régulier avec ce protocole, vous aurez qu'une seule envie : augmenter l'intensité.
Et au final, vous serez bien plus efficace qu'une personne qui commence, arrête, recommence, arrête à nouveau.
Deuxième idée : viser la régularité de mes actions avant l'intensité de celle-ci.
Cette idée m'a le plus aidé à accepter la force du petit. Et si je n'arrive pas à être régulier avec un outil, une méthode ou une pratique ? Alors c'est que ceux-ci sont trop complexe pour mes compétences actuelles.
Je vais alors travailler sur la complexité de l'outil, la méthode (mais aussi le contexte), pour redescendre à un niveau de difficulté qui me permet d'être régulier.
Et ça ? Je le fais en me comparant à qui j'étais hier.
J'évite de me comparer à d'autres personnes, qui considère un instant T, dans lequel je ne vois pas les efforts fournis pour arriver à ce niveau de compétences.
Troisième idée : accepter mon manque de fiabilité.
Mon amateurisme n'est jamais loin. Je surestime mes compétences et mees capacités. Je sous estime mon ignorance et mon manque d'attention.
Le jour où j'ai accepté que je n'étais pas fiable, j'ai pu, paradoxalement, me mettre à tendre vers cette idée de personne fiable, focus, professionnelle. Et ces changements ne peuvent pas naître dans l'intensité.
Comment devenir régulier ?
1. Respecter le petit
Chez StrongFirst (je suis instructeur chez eux), on apprend à respecter la petite kettlebell, car on sait que la plus petite kettlebell peut nous pousser à bout si on sait l'utiliser.
La meilleure manière de respecter le petit, est de garder en tête que l'irrégularité, le manque de fiabilité et la dispersion se renforcent chaque fois que je n'honore pas mon engagement, aussi infime soit-il.
2. Zapper la boîte noire
Nous sommes trop complexes pour pouvoir nous comprendre nous-mêmes. Chercher à devenir régulier en passant par la compréhension de son psyché est une merveilleuse forme de résistance.
Parce que l'on se donne bonne conscience.
Je n'ai rien contre le travail psychologique et thérapeutique. Il en faut. Mais une manière plus rapide d'arriver à la régularité est de tester de nouvelles pratiques. Puis de réfléchir à notre expérience.
Est-ce que l'on devient plus régulier ? Alors continuons dans cette direction.
Rien ne change ou la situation empire ? Changez de technique. De contexte. De dosage. Et recommencer.
Ne vous perdez pas dans la boîte noire. C'est ce que m'ont enseigné mes cours à l'institut Gregory Bateson (2015).
3. Travailler avec le contexte
Si je n'arrive pas à faire quelque chose, j'utilise cette frustration pour changer mon contexte. Dans la réussite, le contexte pèse plus lourd que la motivation et la volonté.
Changez QUAND vous faites quelque chose. Changez le COMBIEN. Changez le OÙ. Changez le COMMENT.
Jouez avec ces éléments jusqu'au déclic.
4. Viser la régularité avant l'intensité
Et faites confiance au processus.
Au boulot.
