La question n'est pas "allez-vous faire une erreur?", mais "QUAND ferez-vous votre prochaine erreur?"
Parce que nous ne sommes pas des machines mais des humains. Soumis à la fatigue, à la distraction et au manque de compétence.
Et même l'humain le plus compétent fera une erreur, tôt ou tard. C'est qu'une question de probabilité.
Heureusement, pour les erreurs d'exécution (et pas les prises de décision), il existe le Poka Yoke.
Une méthode qui vous empêche de reproduire des erreurs connues. Et je suis certain que vous avez déjà utilisé des machines équipées d'un système anti-erreur ou détrompeur (synonymes de Poka Yoke).
Dans la suite de cet article, vous découvrirez ce qu'est le Poka Yoke, des exemples de "Poka-Yoké", mais surtout comment mettre en place un système anti-erreur sur les tâches que vous êtes amené à réaliser encore et encore dans le futur.
Éviter les erreurs par la force de la volonté ?
N'ayez pas peur de faire une erreur. Mais faites en sorte de ne pas faire la même erreur deux fois - Akio Morita Homme d'affaire, PDG, Physicien, Scientifique (1921 - 1999)
Une fois, c'est une erreur, deux fois, c'est une mauvaise habitude. - Proverbe Québécois
Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d'erreur, mais à ne jamais faire la même erreur deux fois - George Bernard Shaw Artiste, Critique, Dramaturge, Journaliste, Scénariste (1856 - 1950)
Pour plusieurs raisons, il est fréquent de faire la même erreur plusieurs fois :
1. On ne réalise pas que l'on fait une erreur.
Parfois, les conséquences d'une action prennent du temps à se faire ressentir.
C'est le cas des travailleurs sédentaires (qui travaillent assis) ou des premiers fumeurs qui ont réalisé des années plus tard que la cigarette augmentait les risques d'avoir un cancer.
Peut-être qu'aujourd'hui nous faisons des erreurs, mais parce que l'on n'a pas de recul... on en est pas conscient.
2. On n'est pas fiable
Au moment de ressentir les conséquences d'une erreur, on se promet que l'on ne commettra plus l'erreur, mais après plusieurs semaines... on pense à autre chose, notre attention est dirigée sur un autre problème, on a oublié les conséquences de notre erreur... (ou on minimise celles-ci) et BAM...
Erreur! RAAAAH!
3. Le matériel n'est pas fiable
Les humains ne sont pas les seuls à faire des erreurs. Le matériel que l'on utilise peut être défaillant.
Donc si vous voulez réduire vos erreurs, vous pouvez utiliser des checklists, être vigilant... ou tout simplement utiliser un poka yoke.
Qu'est-ce que le Poka Yoke ?
Le poka yoka est un système destiné à empêcher une erreur dans un flux de travail et ceci malgré l'oscillation de l'humain (comprenez, notre caractère hasardeux).
Des jours nous sommes concentrés. D'autres jours nous sommes fatigués.
Et en fonction de la tâche à réaliser, nous sommes plus ou moins compétents.
Le but final du Poka Yoke est de réduire les ressources utilisées pour obtenir un résultat mais aussi améliorer la qualité finale.
Vous l'avez probablement compris : le poka yoke fait partie d'une démarche d'amélioration continue (comme la méthode Kaizen)
Au départ, le système a été utilisé pour réduire les erreurs de soudage sur les pièces des sièges de voiture.
Par la suite, Shigeo Shingo (Entrepreneur japonais, il est considéré comme le plus grand expert en lean manufacturing) et l'entreprise Toyota implémenteront à grande échelle le système anti-erreur dans les chaînes de production.
Mais comme vous le découvrirez plus loin, pas besoin d'avoir une usine pour profiter de ce concept.
Les 3 types de Poka Yoke
Il existe 3 types de Poka Yoke :
1. Physique (aussi appelé détrompeur)
Il s'agit d'empêcher un objet d'être utilisé d'une certaine manière.
Votre clé USB ne peut pas être mise dans n'importe quel sens. Il en va de même pour votre carte SIM.
Si la poignée d'arrêt de votre tronçonneuse se bloque, la chaîne aussi.
- Si la lame de votre mixer n'est pas correctement mise en place, vous ne pouvez pas utiliser le mixer.
- Si le cran de sécurité de votre fusil d'assaut n'est pas sur le mode "tir", vous ne pouvez pas tirer.
2. Technologique
Par exemple, vous ne pouvez pas envoyer votre réponse à un sondage tant que vous n'avez pas coché une case.
Vous ne pouvez pas consulter un site web avant une certaine heure.
Vous ne pouvez pas effectuer un paiement tant que vous n'avez pas inscrit le numéro de référence.
Quand vous prenez l'ascenseur, un détecteur s'assure qu'aucun objet ne se trouve dans l'encadrement de la porte. Si c'est le cas, la porte ne se ferme pas (ou se réouvre automatiquement dès la moindre résistance).
Certaines voitures ont une lampe qui s'allume sur le rétroviseur latéral quand une voiture se trouve dans l'angle mort.
3. Processus
L'idée est de rendre l'ordre d'une séquence d'action incontournable.
Par exemple, quand vous allez chercher de l'argent, vous devez retirer votre carte avant de pouvoir retirer l'argent.
Naturellement, les 3 types peuvent se chevaucher pour se renforcer.
Comment créer un poka yoke adapté à votre situation ?
La première chose à réaliser, c'est que vous ne pourrez pas supprimer toutes vos erreurs.
En général, quand vous supprimez une erreur, d'autres erreurs peuvent apparaître dans d'autres parties de votre processus.
Mais rassurez-vous : les erreurs sont nécessaires aux variations. Et les variations sont nécessaires à l'adaptation. En bref, les erreurs permettent d'innover. Le viagra, le micro-ondes et le post-it sont le résultat d'erreurs.
La deuxième chose à comprendre, c'est qu'il est important d'implémenter un poka yoka sur les erreurs importantes (celles qui sont coûteuses lorsqu'elles se produisent) et sur les erreurs fréquentes. Car créer un Poka Yoke efficace nécessite des ressources.
Pour se faire, basez-vous sur votre observation (un journal dans lequel vous listez jour après jour les erreurs et les victoires de la journée va vraiment vous aider).
Profitez aussi des erreurs commises par d'autres personnes dans des processus similiaires au vôtre.
5 étapes pour trouver une idée de Poka Yoke
À présent, voici un exemple pour mettre en place un Poka Yoke.
Il s'adresse à un travailleur du savoir qui a de la peine à se concentrer. C'est un exemple simple pour montrer le processus...
Adaptez ce processus à vos besoins et entourez-vous de personnes qui ont de l'expérience (mais également de personnes qui n'y connaissent rien dans votre domaine, car elles arrivent à voir le problème sans les œillères de l'expert).
Première étape : listez les étapes essentielles pour obtenir un résultat
Par exemple, pour traiter mes e-mails :
1. Ouvrir ma boîte de réception lors de période planifiée
2. Traiter mes e-mails dans l'ordre
3. Archiver ou supprimer le message
4. Fermer la boîte e-mail
Deuxième étape : listez les erreurs qui surviennent régulièrement
1. Ouvrir ma boîte de réception lors de périodes planifiées
erreur : consultation frénétique de mes mails
erreur : consultation de mes e-mails en début de journée
2. Traiter mes e-mails dans l'ordre
erreur : choisir les e-mails à traiter en premier
erreur : fautes d'ortho / message envoyé trop tôt (le mail n'est pas terminé)
3. Archiver ou supprimer le message
erreur : hésitation entre archiver / supprimer un mail.
4. Fermer la boîte e-mail
erreur : garder la boîte ouverte dans un onglet
Troisième étape : listez les erreurs les plus coûteuses
Dans mon exemple, le temps est la ressource principale concernée par mes erreurs.
- erreur : consultation frénétique de mes mails / 1 heure jour
- erreur : consultation de mes e-mails en début de journée / 30 min jour
- erreur : choisir les e-mails à traiter en premier / 15 min jour
- erreur : fautes d'ortho / message envoyé trop tôt (le mail n'est pas terminé)
- erreur : hésitation entre archiver / supprimer un mail / 5 min jour
- erreur : garder la boîte ouverte dans un onglet / 1 heure jour
Quatrième étape : utilisez le questionnement créatif
Face à un problème, on tombe dans le biais de la disponibilité. Ce biais cognitif consiste à sélectionner et valoriser l'information la plus facilement accessible.
Comme sur Google : vous estimez que les résultats sur la première page sont plus pertinents que ceux sur la deuxième page, mais parce que votre problématique est unique, ce n'est pas forcément le cas.
De la même manière, vous allez privilégié des solutions qui restent dans votre cercle de compétence et dans votre manière de faire.
Vous pouvez utiliser le questionnement créatif pour réduire ce biais.
Passez l'erreur que vous souhaitez éviter dans à travers les 3 questions suivantes.
A. Pourquoi l'erreur survient dans mon quotidien ?
Répondez à la question plusieurs jours d'affiler sans regarder vos précédentes réponses.
Pourquoi ? Parce que certaines idées arrivent entre deux sessions de questionnement (grâce au processus de maturation). Ayez sur vous toujours de quoi capturer vos idées rapidement.
Exemple : consultation frénétique de mes mails
- Ma boîte mail est source de bonnes nouvelles. Je peux voir mes ventes, recevoir des demandes d'interview ou des témoignages de mes clients.
- J'ai de la peine à faire face à l'ennui
- Ma boîte mail est très accessible
B. Comment l'erreur survient-elle dans mon quotidien ?
Répondez à la question plusieurs jours d'affiler sans regarder vos précédentes réponses.
Exemple : consultation frénétique de mes mails
- Je veux consulter une information nécessaire à une tâche et je vois tous mes mails non lus. Je n'arrive pas à résister.
- Je dois envoyer un lien pour notre rendez-vous à une personne... et je ne peux pas le faire autrement que par email.
- Je vois mes notifications sur l'application et cela me fait penser à mes mails qui m'attendent.
C. Quelles sont mes 3 meilleures idées du jour pour ne plus faire cette erreur, sans volonté.
Répondez à la question plusieurs jours d'affiler sans regarder vos précédentes réponses.
Après quelque temps, faites des recherches sur le net pour compléter vos idées. Inspirez-vous des autres.
- Utiliser un bloqueur de site web / application
- Donner le mot de passe de ma boite mail à ma conjointe
- Mesurer le nombre de fois que je consulte mes mails par jour
Cinquième étape : Sélectionnez la meilleure idée
Prenez l'idée qui vous semble la plus simple à mettre en œuvre. Dans mon cas, il s'agit d'utiliser un bloqueur de site web / application.
Une fois l'idée sélectionnée, mettez-là en pratique et essayez de reproduire l'erreur. Si vous n'arrivez pas à reproduire l'erreur, votre Poka Yoke est efficace.
Évaluation de la qualité de votre Poka Yoke
Comme vous venez de le voir, votre système anti-erreur ne devrait pas vous permettre de faire l'erreur. Ça c'est en théorie.
Dans la pratique, ce n'est pas si simple. Parfois votre système va réduire les probabilités que l'erreur arrive.
Par exemple, pour l'erreur : choisir les e-mails à traiter en premier, vous aurez peut-être décidé d'activer une option avancée dans la boîte Gmail qui s'intitule Avance Auto.
L'avance auto est une à directement passer au prochain e-mail, une fois l'e-mail en cours traité. Cela vous évite de revenir sur votre boîte de réception et donc de devoir choisir.
Mais lorsque vous entrez pour la première fois dans votre boîte de réception, vous devrez tout de même choisir le premier e-mail que vous voulez sélectionner.
Dans ce cas, le problème se situe dans le commencement de la tâche, une fois que vous êtes en cours de traitement, l'avance auto vous aidera à ne pas commettre l'erreur de revenir sur votre boîte de réception.
Il y a donc des Poka Yoke absolus et des Poka Yoke relatif.
La clé USB est un Poka Yoke absolus.
Vous ne pouvez pas enfiler votre clé USB à l'envers.L'avance automatique de Gmail est un poka Yoke relatif.
Comment identifier les situations problématiques du quotidien ?
Vous êtes peut-être en train de vous demander par où commencer ? Quelle situation de votre quotidien mériterait un Poka Yoke ?
Peut-être que vous avez directement une idée de problème à résoudre... mais si ce n'est pas le cas, je vous invite à utiliser la méthode JA-TO pour identifier les systèmes défaillants de votre quotidien.
Julien