Ceux qui vous disent "j'ai réussi grâce à mon plan d'action" ou "Il faut avoir un objectif smart pour réussir votre projet" vous mènent en bateau.
Ou alors ils ne connaissent pas le biais du survivant.
Comprendre le biais du survivant vous permettra :
- de réduire les erreurs coûteuses
- de réduire l'information trompeuse
- de prendre de la distance avec les réussites phénoménales qui pullulent sur le web.
Le biais du survivant est un biais cognitif.
Les biais cognitifs et les modèles mentaux
Pour comprendre les biais cognitifs, l'idée suivante m'a beaucoup aidé : ce que vous percevez de la réalité n'est pas la réalité.
Si vous fermez les yeux et que vous pensez à ce que vous avez mangé hier, vous aurez une image mentale qui n'est rien d'autre qu'une réduction de la réalité.
Simplement parce que le repas en question n'est pas dans votre tête. C'est ce qui se cache derrière "la carte n'est pas le territoire".
Quand on réduit quelque chose, quelque chose doit être supprimé pour que cela tienne dans ce nouveau format.
Et c'est dans ces réductions que logent la plupart des biais cognitifs.
Voici quelques biais très connus
- Le biais de confirmation - ce biais vous pousse à privilégier les informations qui viennent soutenir vos croyances existantes. On se souvient de Daniel Kahneman qui dit "notre cerveau est une machine à sauter sur les conclusions".
- L'effet de simple exposition - Avoir été exposé à une information rend celle-ci plus positive lors d'une seconde exposition. Concrètement, face à un problème vous commencerez par chercher l'information la plus positive (la plus facilement accessible) et non la plus adaptée à votre situation.
- Le biais égocentrique - il s'agit de notre tendance à se juger sur un meilleur jour que la réalité.
- Le biais de l'optimisme - tendance à croire que les plans se dérouleront bien (le fumeur qui croit que le cancer ne le touchera pas).
Les modèles mentaux
Un modèle mental est une représentation du fonctionnement d'une partie de notre monde (d'un concept, d'un phénomène, d'une dynamique).
Parce que nous n'avons pas les capacités de perpétuellement analyser la meilleure façon d'agir dans notre quotidien, nous basons nos décisions et nos comportements sur des modèles mentaux qui permettent d'obtenir des résultats satisfaisants par rapport aux ressources investies pour obtenir ce résultat.
Le psychologue Abraham Maslow est connu pour son analogie parlante concernant les modèles mentaux :
Si le seul outil que vous possédez est un marteau, tous vos problèmes ressembleront à des clous.
Ainsi, en apprenant à débusquer vos biais cognitifs et à développer des modèles mentaux, vous développez vos outils mentaux.
Et vous êtes (théoriquement) en mesure de réduire les grosses erreurs.
Je vous assure que j'aurais voulu connaître ça plus tôt.
Et je vous recommande plutôt que de vouloir d'atteindre des résultats hors du commun, par délibérément réduire les erreurs que vous faites au quotidien. Je ne suis pas le premier ni le dernier à le dire.
It's remarkable how much long-term advantage people like us have gotten by trying to be consistently not stupid, instead of trying to be very intelligent." - Charlie Munger
(C'est remarquable les avantages long terme que l'on obtient en cherchant constamment à ne pas être stupide plutôt que d'être très intelligent.)
Le biais du survivant en bref
Le biais du survivant est un biais de sélection. Il consiste à surévaluer l'efficacité d'une méthode en se focalisant sur ceux qui ont utilisé cette méthode avec succès (et en ignorant ceux qui ont utilisé la même méthode en échouant).
Pourquoi est-ce facile de tomber dans ce piège ?
Parce que nous cherchons constamment à économiser nos ressources (loi du moindre effort).
Ainsi, imaginer ce qui n'est pas visible (réfléchir à ce qui est absent) nécessite plus d'énergie que de croire l'information qui est visible.
Dans notre monde numérique, ce sont les extrêmes qui sont mis en avant par les médias / créateur de contenu afin d'avoir notre attention. La norme est ennuyeuse (pourtant, c'est la norme).
Quand un entrepreneur partage sa réussite, il va rarement mentionner le rôle de la chance (il va plutôt mettre en avant son intelligence, sa ruse, sa stratégie).
À l'inverse, quand il échoue, il va souvent accuser la malchance (plutôt que sa mauvaise stratégie, sa stupidité, etc)
Et en tant qu'observateur, il faut faire un effort supplémentaire pour se demander "combien d'autres ont utilisé la même stratégie / méthode sans réussir ?"
Pour mieux comprendre ce biais (et surtout vous en souvenir), il y a une histoire intéressante...
La Seconde Guerre mondiale et le mathématicien Abraham Wald
Abraham Wald est un mathématicien. Durant la Deuxième Guerre mondiale, on lui a demandé d'aider la Royal Air Force en analysant les impacts des balles qui se trouvaient sur les avions qui revenaient du combat.
Le but ?
Protéger ces zones contre les impacts des balles ennemies. C'est la conclusion logique.
Mais plutôt que de protéger les zones touchées des avions qui étaient revenus à la base, Abraham recommanda de protéger les zones des avions revenus qui n'étaient pas touchés par les balles des avions.
Abraham a pris en considération ce que les autres ne voyaient pas et en le résumant de la manière suivante : Messieurs, vous devez placer plus de protections là où il n'y a pas de trous. Car c'est là que se trouvent les trous dans les avions qui ne sont pas revenus.
Comment réduire les effets du biais du survivant ?
Cherchez des contre-exemples et évitez de baser vos décisions sur les exceptions. Apprenez à voir ce qui ne se voit pas. Apprenez à entendre ce qui ne se dit pas.
Concentrez-vous plutôt sur la norme pour baser votre stratégie plutôt que le sensationnel. Concentrez-vous sur ce qui a souvent fonctionné.
Exercice pratique
Disons que vous êtes en train de choisir un coach pour vous aider à surmonter les obstacles que vous rencontrez dans votre business.
Vous avez au choix :
- A: un type qui a réussi une fois à créer un gros business en ligne. Il a une grande communauté et génère entre 50 et 100'000 euros par mois.
- B: un type qui a réussi plusieurs fois à créer de petits business en ligne. Certains ont fait faillite. D'autres génèrent entre 5 et 20'000 euros par mois.
Qui allez-vous prendre pour vous aider au quotidien ?
Pour ma part je me choisirai le type B si on se base uniquement sur ses connaissances. Et s'il me dit que parfois il ne sait pas pourquoi cela fonctionne... et qu'en plus il a eu de la chance, alors là, je signe tout de suite.
Parce qu'il a compris le rôle de la chance. Et parce qu'il a compris le rôle de la chance, il basera son approche sur l'itération, sur le test plutôt que d'y aller à fond à 100%.
Certes, il y a d'autres critères à considérer et peut-être que le coach A est bien conscient de sa chance.
C'est pour cette raison qu'un seul critère n'est pas suffisant pour décider, surtout si c'est une décision long terme et encore plus... s'il est difficile de se désengager de votre décision.
Il est difficile d'isoler les biais cognitifs...
... et le biais du survivant n'échappe pas à cette tendance.
Souvenez-vous que celui-ci existe. Souvenez-vous de chercher des contre-exemples et regardez là où les gens ne regardent pas.
C'est moins rapide.
C'est moins sexy.
C'est moins intuitif.
Mais cela vous permettra de réduire (je l'espère pour vous) les erreurs coûteuses.
Julien